Des crises successives ont pénalisé le commerce parisien et, plus largement, francilien. La crise sanitaire, longue et éprouvante, a mis en lumière
Des crises successives ont pénalisé le commerce parisien et, plus largement, francilien. La crise sanitaire, longue et éprouvante, a mis en lumière des difficultés structurelles qui existaient déjà dans un paysage commercial en évolution. Demain, pour se relancer, les magasins devront s’adapter aux nouvelles habitudes de consommation et se « digitaliser ». Les collectivités territoriales, convaincues que le commerce de proximité est une clé du bien-vivre en ville, tentent d’aider à la relance.
Attentats, grèves, Gilets jaunes, confinements successifs, fuite des touristes étrangers… Les années qui viennent de passer ressemblent pour le commerce francilien à une suite de catastrophes. Au plus fort de la pandémie, comble de disgrâce, ce sont 46 000 commerces dans la seule capitale qui se sont vus affublés du qualificatif de « non essentiels » et ont dû à ce titre baisser le rideau.
Les crises se succèdent et, si elles ne se ressemblent pas, aboutissent au bout du compte au même résultat : elles fragilisent durement des entreprises qui, déjà et par définition, sont soumises à la versatilité de la consommation. La récente crise sanitaire apparaît dans ce contexte comme une espèce de coup de grâce. Difficile pour l’instant – grâce notamment au soutien de l’État durant ces derniers mois – de dire exactement comment le commerce francilien sortira de la crise… Mais les experts s’accordent à considérer que « la casse » est à venir. « Il y a eu peu de faillites pour l’instant », expliquait récemment Olivia Polski, adjointe au commerce de la Ville de Paris. « Mais nous devons être vigilants, car nous voyons bien que les choses risquent de s’aggraver dans les mois qui viennent. »
Les plus touchés ? Les secteurs liés au tourisme, évidemment : hôtels, restaurants et cafés n’ont d’ailleurs pas tous rouvert leurs portes lorsque le gouvernement a donné son feu vert.
En 2020, les commerces d’Île-de-France ont perdu 15 milliards d’euros de recettes dont 11,5 milliards dus à l’absence des touristes internationaux. « Dans cette période transitoire, l’offre touristique doit dès maintenant s’adapter, se renouveler voire se réinventer », avertit Didier Kling, président de la CCI Paris Île-de-France. « La crise sanitaire va rebattre les cartes de l’attractivité touristique et il faut se tenir prêt à faire face à la concurrence des places européennes et internationales. »
Meilleure signalétique et orientation des visiteurs, valorisation des sites franciliens, accueil multilingue, Wi-Fi gratuit plus fréquent dans l’espace public, services de consigne et de conciergerie, toilettes et lieux de rafraîchissement publics plus disponibles… Les idées ne manquent pas pour rendre la région parisienne plus accueillante.
Dans le cœur des villes et dans les quartiers d’affaires, les nouvelles habitudes nées du télétravail ont fait le reste : c’est cette fois la clientèle locale qui a déserté…
Un consommateur de plus en plus consom’acteur
Globalement, la reprise promet d’être lente. C’est vrai par exemple du tourisme d’affaires qui ne reprendra qu’à l’automne dans le meilleur des cas. « D’une manière générale, on ne reviendra pas à la situation antérieure en quelques semaines », reconnaît Gérald Barbier, premier vice-président de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris.
À certains égards, la crise sanitaire n’aura cependant été que le révélateur de fragilités préexistantes. « Nous avons beaucoup travaillé avec les Chambres de commerce, des métiers, la Banque des Territoires, beaucoup observé aussi », souligne Colombe Brossel, présidente de la Semaest, société d’économie mixte spécialisée dans la revitalisation commerciale à Paris. « Et nous sommes convaincus que la crise n’est pas seulement conjoncturelle mais bien structurelle. »
Bien avant la crise sanitaire, et une étude de l’Apur consacrée à l’évolution des commerces à Paris en avril 2021* en a fait le constat chiffré, le nombre de commerces était en baisse dans la Capitale, même si elle garde une très forte densité commerciale par rapport aux autres villes françaises : près de 1 200 commerces ont disparu entre 2017 et 2020 et ce n’est pas le seul effet des très nombreux travaux de rénovation et de transformation engagés à Paris.
Résultat, dans la seule capitale qui garde pourtant quelque 28 commerces pour 1 000 habitants, les effectifs du secteur ont baissé de 7 % depuis fin 2019. « Paris a retrouvé le même nombre de salariés du commerce qu’en 2014 », note Dominique Alba, directrice générale de l’Apur. Et la vacance, dans les locaux commerciaux, atteint environ 10 %, un taux plutôt élevé. Premier facteur explicatif, selon Gérald Barbier, la consommation évolue : « On parle désormais de consom’acteurs, et ce n’est pas un vain mot. Les clients sont plus mobiles, plus versatiles, habitués à être servis tout de suite. Ils veulent trouver à portée de main tout ce que les réseaux sociaux leur montrent en permanence. Et les goûts changent. »
Parmi les grands perdants des nouvelles habitudes de consommation, les magasins consacrés à l’équipement de la personne : l’habillement, la chaussure, la bijouterie sont en très nette perte de vitesse dans les rues parisiennes. « Le développement des achats en ligne et l’évolution des pratiques de consommation (…) expliquent en grande partie aussi la quasi-disparition des vidéoclubs, des agences bancaires, d’intérim, d’assurance ou de voyages », note l’étude réalisée par l’Apur sur l’évolution des commerces à Paris. Un millier d’entre eux ont disparu entre 2017 et 2020 tandis que près de 600 commerces de gros baissaient également le rideau.
* « Inventaire des commerces à Paris en 2020 et évolution 2017-2020 », une étude réalisée par l’Apur. Elle propose un état du commerce parisien juste après le premier confinement, à partir des enquêtes réalisées en octobre 2020. Ce recensement des commerces parisiens a été réalisé pour la 8e fois depuis 2000, à l’initiative de la Ville de Paris, de la Chambre de commerce et d’Industrie de Paris et de l’Apur. Il alimente les travaux de l’Observatoire de l’économie parisienne.
Retrouvez l’intégralité de l’article dans le 33ème numéro d’Objectif Grand Paris.