En janvier dernier, Éric Donnet a créé la surprise dans les rangs de l’industrie française du real estate en quittant Groupama Immobilier – maison
En janvier dernier, Éric Donnet a créé la surprise dans les rangs de l’industrie française du real estate en quittant Groupama Immobilier – maison qu’il a dépoussiérée en plus d’une décennie – pour rejoindre… le leader du marché résidentiel de luxe parisien, Daniel Féau. Portrait d’un travailleur acharné et impatient, qui croit aux forces du collectif.
Par Aurélien Jouhanneau
Ces derniers mois, le nom d’Éric Donnet avait circulé pour prendre les rênes d’Ivanhoé Cambridge Europe, d’Icade ou encore d’Altarea Investment Managers. Contre toute attente, le désormais ex-directeur général de Groupama Immobilier prend l’industrie immobilière tricolore de court en rejoignant Daniel Féau. « On pourrait penser qu’il va disparaître des écrans radars par ce choix détonnant, mais c’est mal connaître Éric qui doit avoir une idée bien précise de ce qu’il peut apporter comme impulsion au leader du marché résidentiel de luxe parisien en quête de dépoussiérage », glisse l’un de ses confrères. En poussant la porte de Daniel Féau, ce natif du nord de France de 53 ans réalise un coup double. D’abord, il endosse les habits de directeur général. Ensuite, il prend son risque en devenant actionnaire au côté d’Altagroupe – holding familiale d’Alain Taravella (très) largement majoritaire depuis 2019 – et Charles-Marie Jottras, président dudit groupe. « Je l’admets, ce choix entrepreneurial peut surprendre, mais il répond à mon envie de relever de nouveaux défis, tout en mettant ma connaissance de la sphère immobilière et de la fabrique de la ville au service du développement de Daniel Féau », lâche Éric Donnet, qui ne quitte jamais son visiteur des yeux pour mieux l’entraîner dans ses pensées.
Ne pas céder aux passions tristes
Pour ceux qui ne connaissent pas encore ce travailleur acharné et un brin impatient – passé, entre autres, par les firmes GE Real Estate et AEW –, Meka Brunel (ex-dirigeante de Gecina à la tête de la Fondation Palladio) le résume comme un « archi-pro doté d’un flair unique ». « En plus d’être un fin négociateur, Éric a le courage de ses opinions dans le débat public », loue- t-elle.
« En 2013, après avoir refusé par deux fois le poste de numéro un du bras armé immobilier du mutualiste, Éric Donnet finit par céder au chant des sirènes »
« Il m’a aussi impressionnée par sa transformation de Groupama Immobilier en une décennie. » En 2013, après avoir refusé par deux fois le poste de numéro un du bras armé immobilier du mutualiste, Éric Donnet finit par céder au chant des sirènes de Christian Collin, directeur général délégué de Groupama, groupe sous haute tension post-crise financière de 2008. « Le projet était certes séduisant, mais il pré-existait une carence de projets et une totale absence d’équipe dédiée au développement », se remémore-t-il. Piqué à l’optimisme depuis toujours, le fringuant patron de Groupama Immobilier ne cède pas aux passions tristes et renverse alors la table : « Je structure une task-force autour de moi et porte le nombre de collaborateurs à plus de 100 pour magnifier ce patrimoine parisien exceptionnel estimé à l’époque à 8,5 milliards d’euros d’equity. »
Réveiller la Belle endormie et…
Dans cette partie d’échec où le silence demeure sa règle d’or, Éric Donnet réveille la Belle endormie. En deux ans, il opère donc une refonte totale de la stratégie immobilière tournée vers le développement, et lance Expertisimo – aujourd’hui au 5e rang dans la distribution de logements sur plan en France –, puis la société de gestion Groupama Gan REIM. En 2017, face aux offres d’Unibail-Rodamco-Westfield et de BNP Paribas-Woodeum, Total choisit le projet de Groupama Immobilier – The Link – pour son futur siège à La Défense.
« Contrairement à beaucoup de ses pairs dans cette industrie, il n’est pas guidé par le profit personnel. »
Prévu pour être livré en 2025, cette double tour représente tout de même une enveloppe globale d’environ 1,5 milliard d’euros. « Sur ce projet complexe, Éric a été un fin stratège et un maître d’ouvrage curieux et sincère, qui a très vite compris la notion de réinvention de la tour de bureaux », pointe Philippe Chiambaretta, architecte de The Link. « Contrairement à beaucoup de ses pairs dans cette industrie, il n’est pas guidé par le profit personnel. »
… croire aux forces du collectif
Tirer le portrait d’Éric Donnet, c’est aussi se confronter à presque aucune critique à son encontre. En interne, comme en externe, les prises de parole sont dithyrambiques. Nous ne devions pas travailler ensemble, mais une alchimie s’est créée tout de suite », témoigne un ex-collaborateur de Groupama Immobilier.
« Il ne supporte pas quand les gens à côté de lui brillent trop,… le défaut de son talent »
« C’est un grand sachant capable de vous faire confiance rapidement et un manager exigeant. Cela a pu être parfois compliqué pour des salariés, car il met la barre très haut. » Et un autre d’ajouter, moins flatteur : « Il ne supporte pas quand les gens à côté de lui brillent trop,… le défaut de son talent. » Pour Éric Donnet – qui croit aux forces du collectif –, l’arrivée de Cyril Roux au poste de numéro deux chez l’assureur en 2017 va constituer un « certain » frein au développement de la structure immobilière. Avec le polytechnicien, les relations sont compliquées : « Dès 2018, il est plus difficile de mettre en œuvre de nouveaux projets avec Cyril Roux agissant en coulisse », confirme un habitué de la maison Groupama.
« Depuis dix ans, l’immobilier a assuré plus de la moitié du résultat net consolidé du groupe »
Contre vents et marées, la team Donnet enchaîne les records avec les cessions des 79 et 150 Champs-Élysées – respectivement pour 613 et 630 millions d’euros – et fait bondir de 400 millions à près d’un milliard d’euros des immeubles résidentiels en les rénovant et les cédant au coup par coup. « Depuis dix ans, l’immobilier a assuré plus de la moitié du résultat net consolidé du groupe », stipule une source en interne.
Nouveau modèle public-privé
Fervent défenseur du temps long, Éric Donnet est de tous les combats et projets pour asseoir un nouveau modèle public-privé pour fabriquer la ville : Réenchanter les Champs-Élysées, Grande Armée 2030, Booster du réemploi, low tech, constitution d’un fonds et d’une filière nationale public-privé pour les forêts…
« Sa prise de position a permis de faire bouger les lignes »
L’an passé, il sera le seul top dirigeant de son secteur à croiser le fer sur la place publique contre la municipalité parisienne d’Anne Hidalgo sur le pastillage des immeubles tertiaires et la mixité fonctionnelle dans le cadre du futur PLU bioclimatique. « Sa prise de position a permis de faire bouger les lignes », reconnaît Geoffroy Boulard, maire LR du 17e arrondissement de la Capitale. Dans une industrie immobilière au langage encore (trop) policé envers le politique, ce positionnement d’Éric Donnet lui a sans nul doute été bénéfique pour prendre la tête d’Urban Land Institut France, dont la mission tient à façonner l’avenir de l’urbain et de l’immobilier. « À travers ce réseau, je veux continuer à promouvoir les actions collectives et la créativité », souligne Éric Donnet. En revanche, il reste quasi mutique quand on l’interroge sur sa feuille de route chez le spécialiste du résidentiel du luxe. « C’est encore trop tôt, mais ça passera par de la création de valeur », lâche-il du bout des lèvres.
Lire sur le même sujet :
« Les acteurs du logement attendent plus de fluidité pour rénover »