Depuis plus de deux ans, la Société du Grand Paris collabore avec l’IMT Nord Europe, une école d’ingénieurs basée à Douai, pour créer un béton « bas c
Depuis plus de deux ans, la Société du Grand Paris collabore avec l’IMT Nord Europe, une école d’ingénieurs basée à Douai, pour créer un béton « bas carbone » issu des déblais de chantier du nouveau métro. Les résultats de l’expérimentation semblent concluants.
La Société du Grand Paris ne se restreint pas à l’Ile-de-France en matière de partenariat. Elle a franchi, depuis plus de deux ans, sa rocade encore virtuelle pour mener une expérimentation avec des établissements localisés dans les Hauts-de-France. L’aménageur du nouveau métro s’est ainsi associé, en septembre 2020, à l’école d’ingénieurs IMT Nord Europe située à Douai, et à l’entreprise Neo-Eco, basée dans la même région et spécialisée dans l’économie circulaire.
Ensemble, ils travaillent à la création d’un béton « bas carbone » issu des déblais de chantier du Grand Paris Express. Et des terres à excaver, il y en a !
L’aménageur de la nouvelle infrastructure de transports les estime à 47 millions de tonnes, « soit tout le 16e arrondissement recouvert », précise Reda Belmajdoub, chef de projet Innovation et responsable de la mission Béton bas carbone au sein de la SGP.
Comment les valoriser ? La SGP y réfléchit depuis plusieurs années. Elle s’est déjà engagée à en réutiliser près de 70 % dans le cadre d’opérations d’aménagement, notamment pour le comblement de carrières. Mais ce n’est pas suffisant.
La chasse aux émissions de CO2 a donc conduit la SGP à innover plus encore, d’autant que la réalisation du Grand Paris Express génèrera 4,4 millions de tonnes de CO2 à terme (à titre de comparaison, un vol aller-retour Paris-New York émet une tonne de CO2). Sur ces 4,4 millions de tonnes, près de 70 % sont dus à l’utilisation du béton et de l’acier qui entrent dans la construction des ouvrages du nouveau métro. Et c’est la production de ciment issu du béton qui est la principale cause de ces émissions.
Argiles à meulières
Pour mener à bien leur mission, les ingénieurs de l’IMT Nord Europe ont étudié dans leur laboratoire les différents types de terre excavées que l’on trouve sur les chantiers de la ligne 18. Et ce sont les argiles à meulières qui ont retenu leur attention. « Il s’agissait d’abord de sélectionner les déblais qui avaient le moins de filières de valorisation disponibles », explique Romain Genna, chef de projet Économie circulaire au sein de l’entreprise Néo-Eco. Ce déblai se distinguait, en outre, par sa présence en grande quantité. Enfin, les propriétés techniques et environnementales du matériau en faisaient le candidat parfait pour se substituer au ciment classique.
« A ce stade de l’expérimentation, seules les argiles à meulières de la ligne 18 ont démontré leur efficacité », précise la SGP.
Une fois séchées puis broyées à l’aide de différents appareils, les argiles à meulières sont traitées par une méthode de cuisson rapide (quelques secondes) dans un four chauffant à 750 degrés qui « émet jusqu’à 80 % de moins de CO2 », souligne la SGP. Autre bénéfice : la « calcination » de ce type de terre « ne rejette pas de CO2 ». En comparaison, le clinker avec lequel on fabrique du ciment classique est chauffé à 1 400 degrés durant plusieurs heures. Un processus qui génère, de fait, beaucoup de dioxyde de carbone. « Enfin, le nouveau liant qui résulte de la transformation des argiles à meulières est mélangé à d’autres matières pour créer du béton bas carbone », ajoute Mouhamadou Amar, ingénieur au sein de IMT Nord Europe.
Des résultats consultables
Les « tests de résistance mécanique, environnementaux et de durabilité » ont conduit les ingénieurs a attesté de l’égale performance de ce nouveau béton et du béton « classique ». En outre, leur coût de fabrication serait « sensiblement le même », d’après la SGP. Bonne nouvelle donc, d’autant que « le volume total de ces argiles est estimé à 180 000 mètres cubes, soit environ 300 000 tonnes de déblais utilisables », poursuit l’aménageur, et « disponibles dès l’été 2023 ».
Les résultats de l’expérimentation sont disponibles pour quiconque souhaite les consulter.
« En tant qu’Établissement public, la SGP porte une responsabilité sur les enjeux de transition écologique. Nous avons peut-être un rôle à jouer dans les évolutions des filières de la construction et du BTP », estime John Tanguy, directeur de la Stratégie, de l’Environnement et de l’Innovation au sein de la SGP.
A noter que depuis peu, la réglementation et les normes en vigueur dans la construction autorisent l’utilisation des argiles calcinées pour remplacer le ciment dans la production de béton, mais jusqu’à 50 % seulement.
Coût de l’expérimentation : 300 000 euros, dont deux tiers sont financés par la SGP et un tiers par l’Agence de la transition écologique (Ademe).
Légende photo : arrivée de terres végétales recyclées issues des matériaux du Grand Paris Express sur le futur centre d’exploitation Aulnay (lignes 16 et 17), à Aulnay-sous-Bois et Gonesse.
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