Présidentielle : des urnes et des villes

Présidentielle : des urnes et des villes

Pas facile de faire entrer la ville dans le débat présidentiel. Trop complexes, trop transversales, trop techniques, les préoccupations de ces profess

L’urbanisme, dedans et dehors les urnes
Les candidats à la présidentielle remettent les métropoles en question
Ne pas oublier les « postes avancés » de la ville !

Pas facile de faire entrer la ville dans le débat présidentiel. Trop complexes, trop transversales, trop techniques, les préoccupations de ces professionnels ? C’est ce que nombre d’entre eux semblent déplorer. Mais qu’il s’agisse de bâtiment, de mal-logement, d’architecture, de travaux publics, de quartiers dits difficiles, de paysage ou de réflexion sociologique sur l’implication des citoyens dans la cité, les acteurs de la ville veulent se faire entendre des candidats. Propositions, livres blancs, chartes, programmes, opérations diverses,… ils se sont dotés d’outils variés pour faire leur entrée en campagne. Aux candidats à la présidentielle, à partir de maintenant, de s’en saisir.

Où est passée la ville dans le débat ? Les professionnels et acteurs de la cité que nous avons interrogés, qu’ils soient élus, intellectuels, représentants de fédérations professionnelles ou d’associations, font souvent la même remarque : dans le débat proposé au grand public à la veille des présidentielles, qu’il s’agisse des interventions des candidats déjà connus ou bien, plus largement, des prises de position enregistrées ici ou là sur diverses tribunes, la ville passe mal la rampe.

Les préoccupations de ces professionnels sont souvent trop difficilement traduisibles en termes simples, encore moins en slogans : les architectes parlent de filières de formation, les paysagistes demandent à voir leurs interventions mieux connues et reconnues, les représentants d’associations dans les banlieues voudraient voir le travail de terrain sortir de l’ombre, une élue spécialiste de la ville parle de politique de peuplement dans les logements sociaux ou d’éducation spécialisée.

Trop technique, trop compliqué, trop transversal…

« Dans le débat politique, on préfère les effets d’annonce, voire les effets de manche », déplore Bruno Cavagné, président de la Fédération nationale des travaux publics. Et puis, après les annonces, les résultats attendus se perdent dans les arcanes administratifs.

Pourtant, les professionnels de la ville savent que le rendez-vous est majeur pour eux aussi. Quand ils le peuvent, c’est le cas des grandes fédérations professionnelles, ils convoquent les candidats jusque dans leurs murs pour s’assurer que « le message passe ». D’autres lancent plutôt des campagnes plus ou moins largement reprises dans les medias. Ainsi l’Ordre des architectes avait-il carrément, en 2007, réalisé une campagne d’affichage pour soutenir la profession : en s’adressant à l’ensemble du territoire, l’idée était bien sûr aussi de se faire entendre des candidats et de les amener à réagir sur les grands projets d’aménagement du cadre de vie et des espaces urbains. La Fondation Abbé Pierre, qui veut communiquer sur le mal-logement, se donne les moyens de ses ambitions, avec publications, campagne d’affichage, site internet.

Tous, d’une certaine façon, prêchent bien sûr pour leur paroisse, pour dire les choses vite, pour leur profession en tout cas.

Mais il est frappant de constater à quel point ces professionnels veulent aussi et peut-être avant tout mettre l’accent sur des exigences qui dépassent le cadre strict de leur activité : si l’on parle d’éducation, clé majeure de la lutte contre l’exclusion, par la bouche de Catherine Arenou, maire de Chanteloup-les-Vignes et vice-présidente de l’association d’élus Ville & Banlieue, c’est que l’on veut aussi, plus largement, parler d’espoir et d’avenir.

Si l’on insiste sur les infrastructures et le développement économique qu’elles pourraient induire, du côté de la Fédération nationale des travaux publics, c’est parce que « c’est de cohésion nationale qu’il s’agit, une exigence qu’il devient urgent de prendre en compte », explique encore Bruno Cavagné. Si la sociologue Marie-Hélène Bacqué s’interroge sur la participation des citoyens à la conception des quartiers, c’est parce que c’est de démocratie participative dont on parle et, au bout du compte, d’acceptation de leur quotidien par les citoyens.

Alain Dinin, PDG de Nexity, interpellait ainsi récemment, dans Capital, les candidats à la présidentielle : « Il me semble que les candidats passent à côté des enjeux, en évitant d’aborder les questions d’ordre sociétal. Ce à quoi les politiques devraient s’atteler, c’est à la question du vivre ensemble. Comment faire cohabiter au sein d’un même immeuble les différentes générations ? Que faire pour accueillir et loger les migrants ? Rien n’est dit là-dessus… »

Le message des acteurs de la ville, ils en sont persuadés, doit porter au-delà de leurs professions ou cénacles plus ou moins étroits. C’est bien ce qu’ils voudraient faire comprendre à des politiques qu’ils accusent d’être prisonniers de l’accessoire et oublieux de l’essentiel.

Mais le débat n’est pas clos. En cette fin 2016, il ne fait même que commencer… Aux professionnels de la ville d’affûter leurs porte-voix, c’est le moment ou jamais.

Retrouvez les témoignages des professionnels et acteurs de la ville dans le nouveau numéro d’Objectif Grand Paris !