Et pour vous, le Grand Paris, c’est quoi ?

Et pour vous, le Grand Paris, c’est quoi ?

« Dans le Grand Paris, mon jardin est partout » De son atelier du Pré-Saint-Gervais aux ronds-points de Pantin, le plasticien Duy Anh Nhan Duc reti

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« Dans le Grand Paris, mon jardin est partout »

De son atelier du Pré-Saint-Gervais aux ronds-points de Pantin, le plasticien Duy Anh Nhan Duc retisse le lien entre l’humain et la nature. Un merveilleux bouquet d’envies, de souvenirs… et d’œuvres d’art.

 

Le Grand Paris en un souvenir ?

Ma famille a quitté le Vietnam lorsque  j’avais dix ans. À l’aéroport, lorsque nous sommes descendus d’avion, je me souviens que ma mère m’a obligé à passer une paire de chaussettes et que je me suis mis à pleurer… À Saigon, je vivais en permanence à l’air libre, toujours pieds nus ou en tongs : Paris, c’était un vrai choc climatique, il faisait froid, tout était gris et bâti. Avec mes parents, nous avons d’abord vécu à Épinay-sous-Sénart, en Essonne, dans un petit pavillon proche d’une rivière. Je me rappelle y avoir pêché des écrevisses : comme il n’y en avait pas assez pour faire une soupe, je les avais remises à l’eau ! Quand j’ai eu 15 ans, nous sommes ensuite partis à Stains, en Seine-Saint-Denis. Cela a été dur, on habitait dans de hautes barres. Ce lien avec la nature que j’ai perdu, je l’ai ensuite regagné avec l’art.

Un jardin secret ?

Il est partout dans Paris, dès que je pose un pied dehors. Je travaille avec des plantes auquel auxquelles nous ne prêtons plus attention tant elles sont communes. Le pissenlit, notamment, est une fleur qui a un fort pouvoir d’évocation. Il est lié aux plaisirs de l’enfance, celui de souffler sur les aigrettes et de les regarder s’envoler… Il m’en faut des milliers pour faire une œuvre, alors il y a une période de temps très courte que je ne dois pas manquer pour pouvoir les cueillir. Par conséquent, je passe beaucoup de temps à observer, à me promener, surtout sur les ronds-points, à Boulogne ou Vincennes : personne n’y va alors les plantes ont le temps d’y pousser. J’ai mes coins de prédilection : à Pantin, il y en a un où les trèfles à quatre feuilles ont pris des dimensions gigantesques. Je peux passer une journée entière à les déterrer.

Un coup de gueule ?

À Paris, la qualité de l’air est mauvaise, les pics de pollution se multiplient… Je viens d’avoir une petite fille et je me demande chaque jour si je souhaite qu’elle grandisse ici. Nous sommes tant à avoir signé la pétition pour le climat mais comment faire pour que la ville change vraiment ? Il faudrait une mobilisation à la fois citoyenne et politique. Mon dernier énervement en date, ce sont les sapins de Noël : jusqu’au 25 décembre, nous leur accordons une grande valeur sentimentale et, ensuite, ils sont jetés à la rue sans l’ombre d’un regret. Dans une métropole comme Paris, c’est particulièrement flagrant, on en rencontre à tous les coins de rue. Cela me fend le cœur de voir ses beaux arbres abandonnés à côté des poubelles. J’ai donc commencé à réfléchir à comment les utiliser dans une œuvre. Mon travail, c’est de changer le regard sur la nature ordinaire.

Un coup de cœur ?

Pour un artiste, Paris est merveilleux car la culture est accessible partout, dans les musées, les galeries, mais aussi grâce aux rencontres qui se font plus facilement qu’ailleurs… Il y a toujours quelqu’un à voir, une exposition à ne pas manquer. Cette ville est un véritable accélérateur.

Un rêve ?

Les gens ne prennent pas conscience des richesses végétales qui nous entourent parce qu’ils ne savent plus comment pousse une tomate. J’aimerais que la verdure soit plus accessible au cœur de Paris. Qu’il y ait davantage de jardins partagés, de potagers en libre accès qui incitent les gens à aller vers la nature. Il faut pousser les adultes à mettre les mains dans la terre et préserver ce lien que l’on tisse spontanément avec la nature quand on est petit, en donnant la possibilité aux enfants de jouer dehors, de grimper aux arbres.

 

Ci-dessus : Empreinte Duy Anh Nhan Duc, gare de la Courneuve

© Chartier Dalix / Duy Anh Nhan Duc / SGP