Depuis deux ans, Le Studio Sanna Baldé tisse sa toile dans le monde de l’architecture et de l’urbanisme. L’agence a été créée par Anna Sanna et Delphi
Depuis deux ans, Le Studio Sanna Baldé tisse sa toile dans le monde de l’architecture et de l’urbanisme. L’agence a été créée par Anna Sanna et Delphine Baldé, deux architectes formées chez les plus grands et qui ont décidé de prendre leur envol ensemble. L’occasion d’inscrire un peu plus d’elles-mêmes dans les projets qu’elles conçoivent.
« Rares sont les architectes qui créent leur agence après 40 ans. Mais nous avons toutes deux eu le sentiment de finir un cycle dans nos agences respectives, où nous sommes restées plus de dix ans. » En mars 2019, Delphine Baldé et Anna Sanna ont sauté le pas. Les deux architectes ont ouvert leur agence, baptisée Le Studio Sanna Baldé, située dans le 20ème arrondissement de Paris. Un loft agréable, généreusement éclairé par la lumière naturelle, qu’elles partagent avec deux autres entreprises, dont Plateau urbain, coopérative spécialisée dans l’urbanisme transitoire. Bien qu’à la tête d’une poignée de salariés, c’est bien à deux qu’elles ont tenté l’aventure de l’entrepreneuriat, alors qu’elles étaient « dans des situations confortables », « pas malheureuses », dans les agences mondialement connues qui les ont formées. Anna Sanna était directrice de projets au sein de l’agence Jacques Ferrier Architecture. Delphine Baldé, quant à elle, était directrice associée chez Leclercq Associés.
Pourquoi alors prendre le risque de la création d’entreprise ?
« Même si nous disposions d’une grande liberté de conception, une agence de 30 ans d’âge a son écriture. Nous avions envie de prendre en compte des enjeux qui nous appartiendraient davantage », poursuit Delphine Baldé.
Si de nombreuses choses les séparent, Anna Sanna ayant grandi en Italie et Delphine Baldé à Paris, beaucoup les réunissent aussi.
Architecture, urbanisme et design
Artiste dans l’âme, Delphine Baldé a longtemps hésité entre une carrière de chef d’orchestre et d’architecte. Ses fréquentes promenades à Beaubourg et son amour pour le dessin l’ont finalement convaincue de s’inscrire à l’École d’architecture de Versailles. Son vif intérêt pour « les infrastructures de très grande échelle et leur impact sur le territoire » l’amène à ajouter l’urbanisme à sa palette. De son côté, Anna Sanna se passionne très jeune pour le design et l’architecture d’intérieur. Faute d’université en Sardaigne, elle quitte son île pour suivre des études d’architecture à Rome. « Un professeur m’a fait découvrir l’histoire de l’architecture, les oeuvres de Le Corbusier et de Frank Lloyd Wright. J’ai alors pris conscience de l’utilité de l’architecture dans une société », indique-t-elle. Les deux femmes se rencontrent à l’École d’architecture de Versailles, alors que l’étudiante italienne y effectue un séjour Erasmus. Mais elles ne deviendront amies que quelques années plus tard, lorsqu’Anna Sanna effectue un court passage au sein de l’agence de François Leclercq. Depuis, elles ne se quittent plus, et s’enrichissent l’une de l’autre. « On réapprend notre métier différemment. D’où l’importance de concevoir les projets ensemble », souligne Anna Sanna. Car au-delà de leur formation en architecture, les deux femmes ont leurs spécialités : le projet urbain et le conseil aux élus pour Delphine Baldé, le tertiaire et les grands chantiers pour Anna Sanna.
La ville par la danse
Leur amitié, leur proximité professionnelle, leur caractère « positif » n’étaient pas à eux seuls suffisants pour créer une agence. Après un an de réflexion, les deux amies ont intégré le dispositif « Échelle Un » à l’École d’architecture de la ville & des territoires Paris-Est Marne-la-Vallée. Objectif : se former « à la création et au développement d’entreprises d’architecture ». Une nécessité, selon Delphine Baldé, malgré son parcours sans faute. « Nous étions les plus vieilles ! », lance-t-elle dans un rire. « Cela nous a remis dans une dynamique de jeunes. Mais il est clair que nous n’allions pas commencer par concevoir des maisons pour des particuliers ou nous constituer un réseau. En revanche, comme les autres, nous devions écrire notre histoire à partir d’une feuille blanche », explique Delphine Baldé. Parmi les fondamentaux du Studio Sanna Baldé, il y a… la danse. Passionnées de danse contemporaine, les deux femmes ont décidé de la mettre « au coeur de [leur] quotidien ». « Il paraissait difficile de le proposer dans nos précédentes entreprises, c’est quelque chose de très personnel », avoue Anna Sanna.
Ici, la danse n’est pas une question de performance, mais plutôt un « outil pour faire une ville plus inclusive », notamment au regard de la place des femmes dans l’espace public.
Les deux associées s’inspirent d’Anne Teresa De Keersmaeker et de son « slow walk ». Cette chorégraphe, accompagnée de danseurs, propose au public d’expérimenter, le temps de quelques heures, une marche lente en milieu urbain dense. Il s’agit, entre autres, d’appréhender l’espace public de manière différente. Cette approche, Delphine Baldé et Anna Sanna souhaitent en tirer parti en invitant habitants et élus à arpenter leur quartier, leur ville, en amont d’un projet urbain. Et pourquoi pas, par la suite, faire naître des espaces à partir des mouvements des usagers. « Les élus n’ont souvent que des remontées négatives de ce qu’il se passe sur le terrain. Le ‘‘slow walk’’ peut les aider à avoir un autre regard sur leur ville, voire à découvrir des rues dans lesquelles ils ne sont jamais allés », indique Delphine Baldé. La commune de Chanteloup-les-Vignes (78) fera partie des premières à se mettre au pas, sous la houlette du Studio Sanna Baldé, les architectes étant en charge d’une étude urbaine commandée par la municipalité.
Le « déjà là »
Autre volonté de l’agence : donner une seconde vie, autant que faire se peut, aux bâtiments obsolètes. Ferventes défenseurs du « déjà là », les deux femmes donnent la priorité à la réhabilitation plutôt qu’à la démolition, afin notamment de limiter le bilan carbone d’une opération. Pour la conception de la Maison de la Fédération française de canoë-kayak, à Vaires-sur-Marne (77), Le Studio Sanna Baldé a utilisé l’approche du « déjà là » en respectant le contexte urbain, notamment en posant le bâtiment sur une butte existante. Objectif : ne pas déplacer inutilement de la terre. « Conserver ce talus nous a permis de développer un patio qui pourra être utilisé par les usagers. « Il est essentiel de connaître l’environnement dans lequel on travaille, de discuter avec les usagers pour savoir ce qu’ils attendent du projet qui leur est destiné », explique Delphine Baldé.
« L’architecte entre dans l’intimité de ses clients, il est un peu psychologue. Il doit arriver à comprendre ses attentes et à les retranscrire sur plan », complète Anna Sanna.
Le Studio Sanna Baldé, c’est aussi cette exigence de vulgariser le discours de l’architecte afin qu’il soit compris des « habitants lambda ». « Pour les jeunes générations, le projet est collectif, comme le démontrent les initiatives portées par Yes We Camp et Plateau urbain », poursuit Delphine Baldé. Les deux architectes s’appliquent ainsi à produire des outils de communication simples et attachent une attention particulière aux mots employés. Exit les perspectives de promoteurs. Ici, le dessin et l’harmonie des couleurs sont rois, pour une expérience visuelle « plus sensible », selon Anna Sanna. Malgré un démarrage un an avant la crise sanitaire, Le Studio Sanna Baldé s’accroche et remporte des concours. L’équipe, plutôt féminine, comptera bientôt dix salariés. « On essaye de respecter la parité, mais c’est difficile », avoue Anna Sanna dans un sourire. « Les jeunes diplômées sont surtout des filles… ».
Retrouvez l’intégralité de l’article dans le 36ème numéro d’Objectif Grand Paris.
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