Vitry-sur-Seine : quand l’art habille l’espace public

Vitry-sur-Seine : quand l’art habille l’espace public

Vitry-sur-Seine, maison mère de l’art contemporain du Grand Paris ? L’appellation n’est pas officielle, mais elle pourrait être revendiquée par la vil

« La Grande fête du Gros Paris » commence à Vitry
« Le potentiel de développement urbain est encore très grand »
Marcher pour donner vie au Grand Paris

Vitry-sur-Seine, maison mère de l’art contemporain du Grand Paris ? L’appellation n’est pas officielle, mais elle pourrait être revendiquée par la ville. Le « 1 % artistique » permet à la commune de s’offrir des œuvres d’art depuis les années 1960.

7 rue du Château, Vitry-sur-Seine. Entre les murs relativement ordinaires d’une résidence trône une réalisation artistique pour le moins surprenante. Sa symétrie est parfaite, ses matériaux laissent perplexes. Ici, avec une œuvre réalisée en 1971 à partir de matériaux de récupération, il s’agissait à Claude Viseux, peintre et sculpteur, de rappeler aux visiteurs le passé industriel des lieux. Autre ambiance, plus électrique, rue Germain-Pinson. Cette fois, Émilie Lemardeley, designer, réinvestit un transformateur EDF, le dotant d’un habillage en dur, marqué par des sortes de hiéroglyphes modernes. De l’art de donner du relief à un objet du quotidien. Le courant passe d’ailleurs plutôt bien à quelques rues de là, au 23 boulevard de Stalingrad, où Nathalie Junod Ponsard, artiste visuelle, éclaire de façon psychédélique des halls d’immeuble à l’aide de tubes Led de différentes couleurs. À Vitry-sur-Seine, les œuvres d’art contemporaines se déclinent sans s’épuiser. Et pour cause : la ville n’en compte pas moins de 135 sur l’espace public, faisant de ses choix artistiques une véritable politique de valorisation de son territoire.

Comment expliquer cette profusion ? Les œuvres sont financées par le « 1 % culture artistique » depuis les années 1960. Explications. À chaque fois qu’un équipement majeur est réalisé, 1 % de son budget finance une création artistique à proximité. Les œuvres ne sont donc pas légion dans les quartiers pavillonnaires où les mutations sont rares. En revanche, les adeptes de l’art contemporain trouveront leur compte dans les quartiers de grands ensembles construits à partir des années 1970. Une vingtaine de compositions sont également situées le long du grand axe départemental qu’est la RD5. Parmi elles, la célèbre Chaufferie avec cheminée de Jean Dubuffet trônant au milieu d’un grand carrefour depuis 1996. Au nombre de 20 à 25 par an, des cartels, petits panonceaux affichant un court texte sur l’artiste et son œuvre, ont été installés depuis peu par la municipalité.

15 000 euros pour l’entretien

L’espace privé n’échappe pas à ce qui est devenu une véritable tradition. « La ville encourage les promoteurs à investir dans l’art mais ce n’est pas une obligation. En général, la grande majorité joue le jeu, cela apporte incontestablement une plus-value à leurs opérations immobilières », explique Catherine Viollet, conseillère culturelle aux arts plastique et directrice de la galerie municipale Jean-Collet. Parmi ses missions, la sélection des artistes susceptibles de concevoir une œuvre adaptée aux futures constructions. La conseillère réunit autour de la table architectes, promoteurs, service des espaces verts,… soit toutes les parties prenantes du projet, pour élire le lauréat. Comme pour les constructions publiques, 1 % du budget de l’opération est réservé à la création de l’œuvre ; lorsqu’il s’agit d’une Zone d’aménagement concerté (ZAC), les différents promoteurs mutualisent les moyens financiers.

C’est ainsi que, depuis 45 ans, les productions artistiques se succèdent et sont loin de se ressembler. Pourtant, un même mal les guette : l’usure, provoquée par les décennies qui passent, les intempéries, la faible pérennité des matériaux sans oublier les quelques dégradations volontaires. Pour les aider à retrouver leur jeunesse, la ville dispose d’un budget annuel de 15 000 euros par an dédié à la restauration et à l’entretien. Mais pour certaines, cela ne suffit pas. « Depuis la mise en place du 1 %, nous avons dû perdre sept œuvres, ce qui est assez peu sur près d’un demi-siècle d’implantation. Pour compenser la disparition de sa première réalisation, un artiste a proposé une nouvelle sculpture en pierre. Si les financements suivent, des compromis sont toujours possibles », poursuit Catherine Viollet.

Le street art est dans la place

Des compromis… Vitry-sur-Seine continue d’en faire au nom de l’art. « La ville tolère depuis peu la pratique du street art, tellement populaire, notamment sur les réseaux sociaux, qu’elle déplace des visiteurs de toute la région », explique Christophe Hazemann, chargé des publics à la galerie Jean-Collet. Face à ce nouvel engouement, les bailleurs sociaux acceptent, à la demande de certains artistes, de laisser ces derniers s’exprimer sur un pan de mur. Mais ces œuvres-ci ont une durée de vie limitée… Souvent exécutées à hauteur des yeux, elles sont plus facilement réinterprétées par d’autres artistes ou délibérément abîmées, aussi esthétiques soient-elles. « Certains se plaignent du fait que la ville n’entretienne pas leur œuvre. Mais le caractère éphémère est justement inhérent au mode d’expression de l’art de rue », conclut Christophe Hazemann.

Légende photos : ci-dessus, une oeuvre d’Anne Rochette / Photo encart : une oeuvre de Frederica Matta.