Les villes bichonnent leurs « techs »

Les villes bichonnent leurs « techs »

On compterait aujourd’hui 10 000 start-up en France. La Mission French Tech, qui fédère les territoires les plus riches en jeunes entreprises de forte

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On compterait aujourd’hui 10 000 start-up en France. La Mission French Tech, qui fédère les territoires les plus riches en jeunes entreprises de forte croissance, les aide à se projeter dans le monde. Dans l’affaire, Paris mène la danse.

Pas de ville qui ne veuille aujourd’hui centrer son développement sur l’innovation : là où l’on voulait autrefois voir des usines, plus récemment des bureaux, on ne jure plus aujourd’hui que par les fablabs, start-up, « tiers lieux », le co-working… Tout un vocabulaire plus ou moins abscons, appartenant à un « globish » mondialisé bien plus qu’à la langue de Molière, a envahi les colonnes des journaux spécialisés aussi bien que les discours des élus. Il n’était que de voir, il y a quelques semaines, le programme des rencontres des maires de France à Paris pour percevoir l’intérêt quasi incantatoire qu’ils portent au numérique ; de simple outil, le voici devenu l’alpha et l’omega du développement économique.

Les discours les plus technocratiques parlent de « redistribution de la création de richesses » ou de « restructuration des chaînes de valeurs ». Disons en termes plus simples que, si les élus et leurs territoires s’intéressent au numérique, c’est que c’est avec lui que l’on espère créer, dès aujourd’hui, des entreprises, de l’emploi et de l’argent, tous secteurs d’activités confondus.

De fait, l’offre de nouveaux services se développe à grande vitesse dans des domaines aussi variés que la santé, l’éducation, l’énergie et l’environnement, la culture, le commerce ou les loisirs, pesant sur les pratiques professionnelles autant que sur les habitudes de consommation. Pour reprendre le globish cher à ce secteur d’activité, c’est tout l’essor de la fintech (les start-up de la finance), de la cleantech (celles de l’environnement), de la medtech (la santé), de la foodtech (l’alimentation), et on en passe…

Derrière la transformation numérique du monde, se cache encore un autre enjeu, celui de la maîtrise de la donnée qui repose sur la collecte et l’analyse de ce bien en cours de développement rapide. Selon le ministère de l’Économie, le marché des activités liées au « big data » aurait représenté en France environ 1,5 milliard d’euros en 2014. Il atteindrait selon toute probabilité près de 9 milliards d’ici à 2020.

Les villes en sont sûres : il faut creuser le filon. Et celles qui ne prendront pas le tournant à temps risquent de se trouver ensuite irrémédiablement distancées. Mais comment faire ?

Développer les écosystèmes des start-up

Pour tirer partie de ces développements qu’en tout état de cause elles ne peuvent ignorer, les villes doivent se doter de tout un « écosystème ». Les laboratoires et les universités, les incubateurs et pépinières, voire les tiers lieux, espaces de rencontres et d’échanges, le tout formant pôles et clusters, constituent le cadre indispensable de l’innovation numérique.

Le potentiel économique réel ? Difficile à chiffrer. « Les pépites sont partout », assure David Monteau, directeur de la Mission French Tech. « On parle aujourd’hui de 10 000 start-up en France. Mais par définition, cela change tous les jours… »

Dans la seule Île-de-France, le secteur numérique entendu au sens large – services de télécommunications, industrie du logiciel, réseaux, équipements informatique et télécoms, services d’ingénierie, contenus en ligne… – rassemblerait quelque 20 000 entreprises et 500 000 salariés, soit la moitié des effectifs nationaux.

Trois pôles de compétitivité sont justement consacrés dans la région francilienne aux enjeux du numérique dans la ville : Advancity, Cap Digital et Systematic unissent sur ce thème plus de 1 500 entreprises et 200 établissements d’enseignement supérieur et de recherche.

Dans le cœur de l’agglomération, les start-up foisonnent : Paris en accueille environ 4 000. En une dizaine d’années, 100 000 mètres carrés ont été construits pour les héberger, les soutenir, les aider à se développer pour devenir, si possible, de jeunes championnes du numérique : c’est la vocation du gigantesque projet MacDonald, dans le dix-neuvième arrondissement, ou encore de la Halle Freyssinet, qui devrait abriter le plus grand incubateur du monde.

Les villes ne sont pas seules à vouloir tirer profit de l’inventivité des start-up. Les grandes entreprises, conscientes de leurs lourdeurs et de leurs limites, se rapprochent des jeunes pousses pour mettre en place des projets communs. De nombreux incubateurs ont ainsi vu le jour à Paris, avec des entreprises comme Renault, SNCF ou GDF Suez, qui considèrent que l’innovation constitue pour elles aussi une priorité et qui craignent fort d’être désormais moins « agiles », comme on dit aujourd’hui, que les start-up… Dans l’ensemble de la France, ce sont aussi ces grandes entreprises qui mettent le plus souvent en place des lieux d’accueil pour les jeunes pousses qu’elles souhaitent chaperonner, une façon habile de les aider tout en les gardant à l’œil. Et en se préparant, le cas échéant, à les avaler…

200 millions d’euros pour accélérer

L’État a lui aussi décidé de prendre les choses en main. C’est la vocation de la Mission French Tech créée par le secrétariat d’État au numérique. Ce petit groupe, qui fonctionne lui-même comme une start-up, ambitionne, dit-il, de « placer la France parmi les grandes start-up nations ».

Première étape, labelliser des métropoles –13 l’ont été depuis 2014, de nouvelles vagues vont intervenir en fin 2016 – qui offrent aux start-up un ensemble de grandes entreprises, d’investisseurs, de collectivités, de centres de recherche… Bref, tout un « écosystème » de nature à transformer les start-up en « scale up », c’est-à-dire des entreprises encore jeunes mais en très forte croissance.

Une fois labellisées et fédérées, les start-up doivent accélérer. En ligne de mire, Blablacar, Cellectis, Criteo, DBV ou encore OVH, des sortes de « modèles » qui ont dépassé au cours des trois dernières années le milliard de dollars de valorisation…

Pour être en mesure d’investir elle-même en fonds propres dans des accélérateurs de start-up, la Mission a créé un fonds d’investissement de 200 millions d’euros. En 2015, trois investissements ont été réalisés au sein d’Axeleo, un accélérateur lyonnais, d’Usine IO, atelier de prototypage parisien, et de Breega Capital, un fonds de capital-risque de dimension européenne.

Autre outil, les bourses. En deux ans (2014 et 2015), près de 30 millions d’euros ont été distribués, répartis sur plus d’un millier de projets. Pour les start-up en « hyper-croissance », un service premium, c’est-à-dire un accompagnement complet et volontariste, est proposé. En 2014-2015, 48 de ces « pépites » à bichonner ont été identifiées. Il faut dire qu’elles ont enregistré… 420 % de croissance moyenne des effectifs !

Dernier pilier de l’action French Tech : favoriser le rayonnement international des start-up en les plaçant sous une bannière commune qui leur donne une visibilité accrue, notamment dans les salons. « Il faut aller vite dans la compétition mondiale », assure David Monteau. Onze « hubs internationaux » qui sont autant de points d’appui pour les jeunes entreprises en cours d’internationalisation ont été identifiés aux États-Unis, en Asie, en Afrique et dans quelques capitales européennes, tandis qu’un « Paris French Tech Ticket » facilitait l’accueil en France d’entrepreneurs étrangers soucieux de créer leur start-up sur les rives de la Seine.

Un peu partout, le numérique est en ébullition. Sera-t-il capable de « réinventer » le travail, alors que le chômage reste massif en France dans les secteurs traditionnels et que les mouvements sociaux, en juin, ont été très virulents ? C’est l’espoir des métropoles, et d’une French Tech dont le territoire est en réalité mondial…

Ci-dessus : Paris Région Innovation Nord Express se veut « révélateur de start-up » dans le 18ème arrondissement. Crédit Jean-Baptiste Gurliat.