À la porte ouest de Paris, Courbevoie déroule un paysage inédit au pied du quartier d’affaires de La Défense. Une décennie d’actions, pour une approch
À la porte ouest de Paris, Courbevoie déroule un paysage inédit au pied du quartier d’affaires de La Défense. Une décennie d’actions, pour une approche pointilliste du verdissement urbain.
Courbevoie, ou l’une des plus hautes densités du territoire français : 20509,1 habitants au km2 selon l’INSEE, pour une ville-type de la petite couronne, ultra-peuplée et urbanisée. Malgré un cadastre parcellaire archi-comble, l’agglomération semble pourtant avoir choisi la verdure pour faire mentir la réputation de la banlieue parisienne. Entre herbes folles et arbres fruitiers, cet étonnant buissonnement a mis environ une décennie à s’installer. En à peine dix ans, la commune, pilotée par le maire LR Jacques Kossowski, a en effet quasi doublé sa superficie d’espaces verts, sur fond de gratte-ciel et de quartiers d’affaires. Au pied des tours de La Défense, ce sont désormais 40 hectares de parcs et de jardins qui déroulent leurs foisonnants massifs fleuris. Mais si les projets traditionnels de jardins fleurissent à l’image d’autres communes d’Île-de-France et d’ailleurs, l’originalité se niche ici dans le détail. Dirigé par Jacques Macret, le service Espaces verts et environnement a pris ainsi l’habitude de réfléchir autrement. Car si, dans les villes, chaque espace compte, la végétation sait parfois se contenter de l’infime – c’est du moins la leçon qu’a retenu Jacques Macret, après plus de 30 ans passés à Courbevoie. Ce directeur des espaces verts astucieux a en effet su apprivoiser la contrainte de l’hyper-urbain pour la transformer en atout : une technique d’intervention que l’on pourrait qualifier d’acupuncture végétale, où l’échelle est celle de la rue.
À Courbevoie, la végétation remplace ainsi le mobilier urbain, du potelet à la borne : au fil des avenues et des boulevards, 360 îlots verts ont progressivement vu le jour. Sous les mains vertes de la municipalité, les zones de stationnement interdites par le plan Vigipirate se changent aussi en cible inédite : laissées vides par arrêté devant certains bâtiments, comme les écoles ou les lieux de culte, ces places sont censées assurer la sécurité des lieux. Mais en plus de sécuriser les abords des établissements, elles sont végétalisées. « À Courbevoie, leur linéaire mesure au total un kilomètre de long, explique Jacques Macret. Or, rien n’interdit de les planter, ce que nous avons commencé à faire sur l’ensemble de l’agglomération. Une fois ces lieux verdis, on oublie vite les clôtures jaunes réglementaires qui les barraient auparavant… »
Pompiers et groseilliers
Et les idées ne s’arrêtent pas là, et vont jusqu’à questionner la vocation de certaines rues pour les rendre aussitôt à la verdure : située au bas d’un immeuble, la promenade plantée de l’Allée des Vignerons servait autrefois de seul accès aux véhicules des pompiers. Aujourd’hui, la ruelle, pleinement investie par ses habitants, a été peinte de couleurs vives et bordée de groseilliers au cours d’un chantier participatif. Si elle n’a pas pour autant perdu son rôle sécuritaire, de déserte hier, elle est dorénavant très fréquentée et bien intégrée à la vie de quartier. À l’image de la végétalisation des secteurs couverts par Vigipirate, ce modèle, reproductible à l’envi sur toutes les allées de ce type, pourrait bien faire des émules parmi les collectivités questionnées par la problématique de l’ultra-dense. À cela s’ajoute évidemment les méthodes que l’on pourrait qualifier de traditionnelles, du changement des règles d’urbanisme en vigueur – les espaces libres de chaque nouvelle construction doivent ainsi être aménagés en espaces verts, dont la moitié en pleine terre – à la transformation systématique des dents creuses en jardins partagés plutôt qu’en parkings. Reste une ultime étape à franchir : l’activation des multiples espaces de ce tableau pointilliste en havres de verdure à la biodiversité fonctionnelle. Car si marcher dans Courbevoie procure au promeneur une sensation de bien-être inattendue aux portes de Paris, qu’en est-il de la flore et de la faune dispersées dans ces innombrables fragments ? Lancée avec le collectif Coloco, une stratégie de valorisation paysagère a donc été lancée.
Au pied du mont Fuji
L’agence de paysagistes n’en est pas à son coup d’essai sur le paysage courbevoisien : en 2015, elle y imagine déjà, avec l’atelier Silva Landscaping, le plus haut jardin de France, qu’elle perche au sommet de la tour D2, gratte-ciel fraîchement livré par les architectes Anthony Béchu et Tom Sheehan. La particularité de ce building, un exosquelette d’acier, leur a en effet permis d’installer, sous les arches d’acier de ce sommet ouvert à tous les vents, un mini-bois de pins, à 171 mètres de hauteur. S’il est encore trop tôt pour savoir si le principe de ce jardin dans les des nuages sera généralisé à d’autres, pour Nicolas Bonnenfant, paysagiste à Coloco, l’espace est en tout cas emblématique de la stratégie de renaturation de la ville – reconquérir tous les espaces de nature possibles, même haut perchés – ainsi que de son paysage atypique. Selon lui, le panorama de Courbevoie emprunte en effet à ses homologues japonais. Sauf qu’en lieu et place du mont Fuji, il faut bien entendu imaginer les tours voisines de La Défense. « Il y a de la magie dans ces arrière-plans dominés par des gratte-ciel, du moment où on les assume pleinement, où on joue de ce paysage lointain », analyse le concepteur. À l’image du gratte ciel verdoyant et de son coin de verdure, qui a raflé de nombreuses récompenses, et notamment le Trophée du Bien-être–Habitat et Environnement, saisir la moindre opportunité de vert possible pourrait permettre à Courbevoie d’hisser haut la qualité de vie. Cet été, l’un des six jardins partagés de la commune a d’ores et déjà été nominé aux Victoires du paysage.