Les terres promises du réseau Grand Paris Express

Les terres promises du réseau Grand Paris Express

400 millions de déchets – l’équivalent de sept pyramides de Khéops – seront bientôt excavés dans le cadre de l’aménagement du super réseau métropolita

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400 millions de déchets – l’équivalent de sept pyramides de Khéops – seront bientôt excavés dans le cadre de l’aménagement du super réseau métropolitain francilien. Manne céleste ou problème insoluble, de l’architecture en terre crue à l’aménagement paysager, quelles pistes pour ces rebuts ?

Lorsqu’on construit, on crée… des déchets. À l’hiver 2016, l’exposition Terres de Paris s’intéressait à une problématique trop rarement explorée, celle des rebuts du BTP. Chaque année, plus d’une vingtaine de millions de tonnes de débris sont en effet extraites des chantiers d’Île-de-France. Problème : jusqu’en 2030 s’y ajouteront désormais la quarantaine de millions de tonnes excavées annuellement pour permettre l’aménagement du réseau Grand Paris Express. Au total, 400 millions de tonnes, soit un tas d’environ deux fois la hauteur de la tour Eiffel ou encore 7 000 piscines olympiques de terre à traiter, selon le Pavillon de l’Arsenal. Plutôt que de déchets, celui-ci préfère cependant parler de ressource. Car plusieurs débouchés sont possibles pour valoriser cette matière trop rarement mise à profit. Si, seuls, de 20 à 30 % de ces débris trouvent aujourd’hui preneurs, les architectes de l’Île-de-France pourraient à l’avenir s’arracher le matériau. Tombé en désuétude à l’arrivée du béton, l’architecture en terre crue intéresse en effet à nouveau les concepteurs.

En sommeil dans une ISDI

En compagnie des architectes Paul-Emmanuel Loiret et Serge Joly, d’amàco et de CRAterre, le Pavillon de l’Arsenal a donc mené l’expérience avec le sous-sol francilien : douze terres, piochées au hasard de chantiers en cours, se sont vues soumises à une batterie de tests et d’expérimentations scientifiques. Et pour six d’entre elles, la transformation a été totale : enduits, panneaux de terre, pisé, les possibles ne manquent pas, jusqu’à faire apparaître un « béton de terre » grâce à la technique du coffrage. Enfin, la briqueterie d’Allonne, à 70 kilomètres de la Capitale, prolongeait l’expérience : 8 000 briques, produites dans le cadre de l’exposition, à partir d’un échantillon mis au rebut, attendent le visiteur à l’entrée. De quoi prouver le potentiel de ces terres qui regorgeraient de potentiel… à condition de ne pas les laisser dormir. Le plus souvent, ces amas de cailloux, de sable et d’argile partent en effet en décharge dans une ISDI, une Installation de stockage de déchets inertes. Recensées par l’Observatoire régional des déchets d’Île-de-France (ORDIF) dans le cadre de l’élaboration du PREDEC, le Plan régional de prévention et de gestion des déchets issus des chantiers du bâtiment et des travaux publics, les deux tiers de ces surfaces se situeraient sur le département de la Seine-et-Marne.

Reterritorialiser l’architecture

Un paysage de western, aux vastes étendues terreuses, pour des lieux en réalité déjà bien pleins. Si rien ne s’oppose donc à ce que leurs monticules servent à la construction, les obstacles sont là. En dépit de ces indéniables qualités environnementales, la construction en terre souffre de l’absence de normes qui pourraient l’aider à sortir d’une utilisation encore anecdotique. « Le manque de règlements techniques unifiés pose problème », affirme Paul-Emmanuel Loiret. Alors que « paradoxalement, il s’agit de techniques ancestrales, et qui permettrait une nouvelle valorisation du métier de maçon ». Peu coûteux et disponible partout, l’utilisation de ce matériau « écolocal » fait peur, d’autant qu’il obligerait l’univers du BTP à se remettre en question, de l’architecte au promoteur : « Avec la terre, on ne peut pas construire comme avec du béton, rappelle Paul-Emmanuel Loiret. Chaque site a sa matière, avec laquelle générer des formes adaptées au contexte et propres au lieu. C’est une contrainte, mais cela permettrait aussi de reterritorialiser l’architecture. »

Une tour totem ?

Une architecture made in Île-de-France, pourquoi pas, d’autant que l’utilisation de ce mode de construction, qui ailleurs a servi à édifier la grande muraille de Chine ou le palais de l’Alhambra, ne représente pas une première dans la région. De nombreux bâtiments y étaient traditionnellement faits d’adobe, un mélange d’argile, d’eau et de paille. Pourtant, pas question de retour en arrière pour ces concepteurs qui remettent ces techniques au goût du jour, à l’image de l’Autrichien Martin Rauch, pionnier du pisé, ou du Chinois Wang Shu, lauréat du prix Pritzker, l’équivalent du Nobel de l’architecture. Mais si les qualités environnementales de la terre crue plaisent aux architectes, encore faut-il qu’elles convainquent… les politiques. Peu connue, associée au passé, si l’architecture en terre crue peine à s’imposer, c’est surtout dans la tête des élus. Pour Paul-Emmanuel Loiret et Serge Joly, cette méfiance a été le déclencheur de l’exposition Terres de Paris : en 2016, ils sont en effet les participants malheureux de l’appel à idées Réinventer Paris. Leur haute tour en pisé, « tel un emblématique totem qui symboliserait le retour des matériaux naturels au cœur des métropoles », se voit en effet recalée lors de la dernière étape du concours.

Retrouvez l’intégralité de l’article dans le dernier numéro d’Objectif nouveau Grand Paris.

Légende : deux tiers des installations de stockage de déchets inertes d’Ile-de-France se situent en Seine et Marne. Ici, une plateforme de gestion de Villeneuve-sous-Dammartin. Crédit : Schnepp Renou.

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