Plaine de l’Ourcq : au fil de l’eau, la ville renouvelée

Plaine de l’Ourcq : au fil de l’eau, la ville renouvelée

Cinq ZAC pour un territoire. Tout au long de la plaine de l’Ourcq, c’est une véritable métamorphose urbaine qui s’élabore, le long du canal, épine dor

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Cinq ZAC pour un territoire. Tout au long de la plaine de l’Ourcq, c’est une véritable métamorphose urbaine qui s’élabore, le long du canal, épine dorsale réhabilitée des villes d’Est Ensemble. Rénovation des bâtiments industriels d’autrefois et écoquartiers achèveront la mutation à l’horizon 2030.

Après la Cité des sciences, au-delà de Paris, le canal de l’Ourcq poursuit sa route, étale sous le soleil. Sur ses berges de plus en plus larges, les bicyclettes filent le long de l’eau. Autour d’elles, de vastes bâtiments, souvent clos et couverts de graffitis, ou des espaces vides, parfois envahis d’herbes folles. L’image même de l’abandon, mais aussi un calme oublié côté Capitale.

Quel luxe ! La Seine-Saint-Denis, tout au long de la plaine de l’Ourcq, avait un site splendide, plein de lumière et de poésie, et personne ne le savait… Confisqué par les activités portuaires, environné d’entrepôts sombres, étouffé par un ballet de camions et le vacarme de la RN3 toute proche, le canal avait été délaissé.

L’heure est aujourd’hui à la métamorphose. « Les villes vont retrouver ce poumon magnifique », déclare avec force Gérard Cosmes, maire du Pré-Saint-Gervais et premier président de l’Établissement public territorial Est Ensemble. « Il est l’épine dorsale de notre projet urbain. »

De fait, il est bien temps. Les élus l’ont compris, inutile aujourd’hui d’attendre les grands projets industriels qui ont fait la vie du canal au début du XXe siècle : ils ne viendront plus. Inutile, même, de multiplier les projets de réaménagement concurrents, isolés et marqués par les rivalités politiques. Sur ce vaste territoire de la plaine de l’Ourcq, qui s’étend des portes de Paris jusqu’à Bondy, et dont l’unité et l’harmonie naturelles sautent aux yeux, tout va changer. Et la mutation s’impose d’autant mieux que le canal, ancienne voie oubliée sur un territoire déshérité, devient, par la grâce du Grand Paris, un axe central de la Métropole en construction…

« Retourner la ville sur le canal »

Résultat, de Stalingrad à Bondy, les projets s’égrainent. Ici, la ZAC du Port, sur trois hectares, sur laquelle l’agence de publicité BETC reprend les majestueux Magasins généraux, bâtiment emblématique du Paris industriel abandonné aux graffeurs du monde entier depuis 2004. Sur la place de la Pointe, entre pavés et canal, la beauté du site est saisissante. Un peu plus loin, à Bobigny, c’est la ZAC Écocité ; ici, la verdure doit reprendre ses droits, entre promenades et logements, comme un lointain écho au passé agricole du site. Un peu plus loin, c’est la Zac des ZAC Les Rives de l’Ourcq, où 1 300 logements devront résolument inventer quelque chose de neuf, dans cette ville de Bondy, « entre pavillonnaire faubourien et logement social parfois très dégradé ».

Au-dessus du canal autrefois infranchissable, des passerelles se multiplieront, à l’image de celle, aérienne, qui existe déjà à Bobigny depuis 2014. Leur construction pourrait même être soutenue par cette Métropole qui, par la voie du président Patrick Ollier, se dit sensible à la problématique des « franchissements », si cruciale dans les banlieues déshéritées, entre autoroutes et emprises industrielles. La nouvelle ligne 15 du Grand Paris Express, elle aussi, irriguera les quartiers de Drancy à Bondy, tandis que la RN3, une balafre aujourd’hui bruyante et polluée, devrait s’apaiser pour devenir, un jour, une vraie avenue urbaine, avec son bus en site propre.

D’ici 2025, tout au long du canal, devraient donc s’élever des logements, des bureaux, des commerces de proximité, des équipements publics.

Un bouleversement, c’est vrai, mais qui ne fait pas table rase du passé. Les projets urbains, s’ils se veulent novateurs dans la plaine de l’Ourcq, ne tournent pas le dos à l’histoire du site et à son héritage. « On est dans l’exemple même de la reconstruction de la ville sur elle-même », souligne Laure Rufin, directrice territoriale à la Séquano chargée du territoire d’Est Ensemble. « Il faut donc muter, oui, mais en douceur. »

De cette obligation d’un aménagement qui, en milieu très urbain, doit tenir compte des strates de ville accumulées, les élus font aussi un engagement moral : « Nous sommes prêts à accueillir des populations nouvelles, mais pas à repousser les personnes qui habitent ici de longue date et qui n’ont pas forcément les moyens de se loger dans l’habitat privé neuf », explique Gérard Cosmes. D’où la volonté de consolider la mixité à la fois fonctionnelle et sociale des quartiers : aux côtés des logements sociaux – 30 % en moyenne des constructions neuves –, c’est tout un parcours résidentiel qui doit être facilité, du logement très social à l’accession à la propriété en passant par le logement intermédiaire.

 Est Ensemble, espace créatif du Grand Paris

Au-delà du respect de l’histoire économique et sociale des lieux, « un héritage fort qui nous a poussés à innover », selon Gérard Cosmes, les nouveaux quartiers de la plaine de l’Ourcq devront aussi consolider les atouts qui sont en train de donner à cette partie du Grand Paris sa coloration particulière : « Peu à peu, nos villes ont trouvé leur point fort dans l’industrie créative et l’artisanat d’art », poursuit le président de l’EPT.

C’est d’abord Montreuil qui a donné le la « en devenant la première ville après Paris pour les industries créatives et en accueillant le plus grand cinéma public d’art et d’essai d’Europe », affirme Patrice Bessac, maire de la commune.

C’est ensuite Hermès, un fleuron français du luxe, qui a installé à Pantin un immense show-room et un centre de formation dans une ancienne usine de conditionnement de riz. De nombreux artisans d’art ont suivi, tirant profit des locaux industriels désaffectés. L’École supérieure des arts et techniques de la mode (Esmod), à la suite d’Hermès et de Chanel, va s’installer à Pantin dans les anciens bâtiments de la Banque de France. Elle suit de près l’implantation des Compagnons du Devoir, qui formeront les futurs selliers, maroquiniers et cordonniers des maisons de luxe, et des artisans des métiers de la haute couture.

Décidément, affirment les élus d’Est Ensemble avec une unanimité qui déjoue les oppositions politiques, la plaine de l’Ourcq a bien fini de jouer les « territoires servants » de Paris, ces espaces où la Capitale envoyait ce qu’elle ne voulait pas dans ses murs, des cimetières aux déchetteries…

Ce faisant, Est Ensemble estime rendre service, non pas seulement à lui-même, mais à un espace bien plus large. « Le territoire agit aussi pour la Métropole, à laquelle il apporte l’inventivité et la créativité que l’adversité nous a obligés à développer », souligne Gérard Cosmes.

La « fonction » de la ville qui s’étend tout au long du canal de l’Ourcq est trouvée : on « sera ici industrie créative », comme on est ailleurs, à l’Ouest, tertiaire ou résidentiel… Le territoire assure ainsi mettre tout en œuvre pour devenir « l’incubateur de la Métropole ».

À en croire ce qu’il affirmait lors d’une visite du canal de l’Ourcq, à l’invitation des élus d’Est Ensemble en juillet dernier, le président de la Métropole ne dément pas cette mission affirmée par les communes des abords du canal.

« Il y a de quoi être impressionné par ce qui a été fait ici et par une pratique de la coopération intercommunale dont nous avons des leçons à prendre », reconnaissait un Patrick Ollier élogieux. Du miel aux oreilles de Gérard Cosmes pour qui l’objectif est justement de valoriser les points forts d’un territoire dont on ne connaît trop souvent que les difficultés.

À se demander si, jusque-là, les élus de l’ouest parisien avaient bien eu connaissance de ce qui se faisait à l’est du périphérique, bien loin des flamboyants bureaux de La Défense…

Ci-dessus, vue sur le pont de Bondy, à Noisy-le-Sec. Crédit : Séquano Aménagement-Nicolas Brikke.