Les promoteurs déplorent la « crise du permis de construire »

Les promoteurs déplorent la « crise du permis de construire »

En Île-de-France, les difficultés de la construction neuve prennent la forme d’une profonde « crise de l’offre », avec des mises en vente en forte b

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En Île-de-France, les difficultés de la construction neuve prennent la forme d’une profonde « crise de l’offre », avec des mises en vente en forte baisse par rapport à 2019. Peu de foncier, trop de recours, trop de normes… Les causes, selon Marc Villand, président de la Fédération des promoteurs immobiliers d’Île-de-France, sont nombreuses, mais c’est la réticence des maires à signer les permis de construire qui est à l’origine du plus grand nombre de blocages.

On parle désormais, en matière de construction neuve, d’une crise de l’offre en France. Comment se caractérise-t-elle en Île de France ?

Les chiffres sont sans appel : en termes de mise en vente, on est à moins 35 % par rapport à 2019 en Île-de-France. Il y a eu une reprise par rapport à 2020 mais c’est une reprise en trompe-l’œil car 2020 était évidemment très faible, du fait de la crise pandémique. Les causes de cette crise de l’offre sont multiples : trop peu de permis de construire accordés, avec trop peu de constructibilité ; trop de recours ; trop de normes qui s’accumulent… Au total, nous assistons à une chute historique. Elle est réelle sur l’ensemble du territoire, mais exacerbée, comme toujours, en Île-de-France. C’est un paradoxe car nous sommes dans la région la plus vertueuse du pays en termes d’artificialisation des sols. Dans le même temps, le solde démographique – plus 50 000 habitants par an – rend cruciale la construction de logements. C’est pourtant ici que l’acte de construire est le plus attaqué… La seule chose qui progresse, c’est la maison individuelle, alors que nous avons besoin de construire du collectif, de faire la « ville intense ». On marche sur la tête !

La crise est-elle aussi nette en grande couronne que dans la métropole ?

En grande couronne, on n’échappe pas à la difficulté de construire. La situation y est un peu moins tendue, sans doute, mais jusqu’à quand ? La grande couronne compte des villes moyennes qui peuvent se développer dès lors qu’elles sont bien raccordées à la métropole. Or, du point de vue des transports, malgré les efforts de la Région, cela ne fonctionne pas très bien. Au-delà de l’Île-de-France, voyez la distance qui sépare Le Havre de Paris : cette ville portuaire est aujourd’hui plus loin de la capitale qu’elle ne l’était au XIXe siècle compte tenu des temps de transport !

Les prix, très élevés à Paris et en petite couronne, ne sont-ils pas en cause si les ventes baissent ?

Les ventes baissent parce que l’offre baisse. Les prix stagnent actuellement à Paris et en petite couronne, mais ils ne peuvent qu’augmenter dans l’avenir s’il n’y a pas de construction. La demande, elle, est soutenue : le taux d’épargne des ménages est élevé car, empêchés de sortir, les Français ont mis de l’argent de côté… De plus, la situation macro-économique est bien orientée. C’est la baisse des permis de construire qui entraîne mécaniquement la chute de la construction et des mises en vente.

Quelles sont les origines de cette crise ?

Le problème majeur est culturel. Traditionnellement, il y a une chute des permis de construire avant les élections municipales. Mais cette fois, la situation ne s’est pas débloquée après les élections car les maires ont le mandat d’une population qui n’a plus envie de construction ! Certaines villes ont tout bloqué. C’est une sorte de suicide collectif : avec ce rejet, les Franciliens empêchent leurs enfants de s’installer ! Il y a d’une manière générale un « vent anti-projets » dans ce pays, et c’est un vent mauvais…

Quels sont les résultats concrets de cette évolution des mentalités ?

Le Centre d’analyse et de prévision immobilières (CAPEM), filiale de la FPI Île-de-France, suit les projets de très près. Quelques exemples. Certains programmes liés à des appels à projets urbains innovants – Réinventer Paris, Inventer la Métropole, etc. – sont pour l’instant à l’arrêt : c’est le cas de la Patinoire d’Asnières, à Asnières-sur-Seine, de la reconversion de l’usine EIF, à Montreuil, du projet « Cœur de ville partagé » à Ville d’Avray, et bien sûr du projet « Mille arbres » à la Porte Maillot. Des situations de blocage sont aussi observées dans des communes des Yvelines qui sont carencées en logements sociaux ; or, les opérations comprennent des logements sociaux. Dans les Hauts-de-Seine – mais c’est vrai dans de nombreux départements -, beaucoup de villes n’accordent pas la constructibilité que leur PLU permet. Dans ce département, on enregistre en outre des records en matière de recours ! Il faut cependant noter que dans certaines villes, la baisse temporaire des mises en vente est aussi liée au fait que de grosses opérations ont été réalisées dans un passé récent et que d’autres se préparent. C’est le cas à Clamart, par exemple, dans les Hauts-de- Seine. Parfois, c’est la population qui organise le blocage : c’est le cas à Saint-Cloud. Il n’y a plus eu de mise en vente à Gentilly, dans le Val-de-Marne, depuis 2018. Nous avons en réalité de très nombreux exemples et notre propos n’est pas de pointer du doigt telle ou telle ville. Il s’agit cependant d’attirer l’attention sur des blocages très dommageables pour la population, car le besoin de logements est considérable.

Retrouvez l’intégralité de l’interview dans le 34ème numéro d’Objectif Grand Paris.

Crédit photo : Natacha Gonzalez.