Les 500 danses de Nadia

Les 500 danses de Nadia

Elle sautille, roule, virevolte, le Grand Paris en arrière-plan : le temps d’une minute de danse par jour, la chorégraphe Nadia Vadori-Gauthier, d’une

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Elle sautille, roule, virevolte, le Grand Paris en arrière-plan : le temps d’une minute de danse par jour, la chorégraphe Nadia Vadori-Gauthier, d’une réjouissante pirouette anti-morosité, réconcilie internautes et Franciliens avec les lieux de leur quotidien. Loin de la crise et de l’état d’urgence, dansez maintenant !

Un coup de cœur pour le Grand Paris ?

J’aime la diversité de cette ville, de ses espaces, de ses habitants. J’aime beaucoup la couleur, même si l’on ne pense pas forcément à elle lorsqu’on imagine le Grand Paris. La multiplicité de mes danses trouve son sens dans les innombrables endroits que je traverse et les différents rapports qu’elles créent avec les gens, les lieux, leur quotidien, et la couleur en fait partie. Récemment, j’ai ainsi dansé devant une toute jeune installation du plasticien Laurent Grasso, Solar Wind, qui se trouve au niveau du quai d’Ivry. Ce sont de grands silos, sur le boulevard périphérique : le jour, c’est très laid mais, la nuit, c’est réellement spectaculaire, avec de grandes vagues changeantes d’orange et de rose qui éclairent les tours.

Le Grand Paris… en un coup de gueule ?

J’ai l’impression que les espaces publics se ferment. Bien sûr, depuis les attentats de Charlie Hebdo, les préoccupations sécuritaires sont là, mais ce durcissement s’était déjà fait ressentir auparavant. Comme si l’on cherchait à débarrasser la ville des rassemblements, mais aussi des gens qui lui seraient indésirables : au final, dans les mobiliers urbains, il y a de moins en moins de place pour les corps et la métropole perd beaucoup plus que des espaces de rêverie et de rencontre… Cela rend la ville plus dure, moins hospitalière, alors qu’il me semble de plus en plus nécessaire d’y inventer d’autres façons de vivre ensemble : la danse est l’une d’elles, et il faut qu’elle puisse s’exprimer dans l’espace public.

Un rêve pour le Grand Paris ?

Que la danse et la musique y soient plus libres : l’état d’urgence ne permet plus les rencontres collectives. Il m’est encore possible d’investir l’espace public car j’y évolue de façon rapide, seule, avec une caméra. Auparavant, j’avais pris l’habitude de danser dehors avec mes élèves, d’y improviser en groupe. C’est de plus en plus difficile aujourd’hui, car nous sommes très vite rejoints par des agents de sécurité, alors que je pense au contraire qu’il faudrait que l’accès aux espaces publics devienne plus simple, qu’ils s’ouvrent à des expériences de partage collectives, de façon à ce que la population puisse davantage se les approprier.

Un jardin secret ?

J’ai un rituel de solitude avec le canal Saint-Martin : je me promène au bord de l’eau, puis je m’installe chez Marcel, un petit restaurent indien, pour manger un dal (plat indien à base de légumineuses, NDLA) végétarien. Cela m’a fait très bizarre lorsque le canal a été vidé, j’y ai même fait une danse, le 23 mars 2016, c’était un beau souvenir. Et, sinon, j’ai récemment découvert l’ancien hôpital de Saint-Vincent-de-Paul, dans le 14e arrondissement : j’y étais allée un peu par hasard, et je suis tombée sur ce village temporaire. C’est assez surprenant, Il y une ambiance bucolique, de grandes tablées où les gens jouent aux cartes, en plein Paris. Cela s’appelle Les Grands Voisins, et je vous conseille vraiment d’y aller !

Le Grand Paris, … en un souvenir ?

Je circule beaucoup en scooter dans Paris. La moindre rue y a son histoire, c’est comme un coffre aux trésors, qui s’ouvre à mesure que le temps passe et que l’espace défile. Ma vie s’y est inscrite en plusieurs endroits mais je garde un souvenir très fort du Pont Neuf, que j’ai connu emballé par Christo, quand j’étais petite : à chaque fois que je vois ce pont, c’est comme si je le voyais empaqueté, le souvenir se superpose à la réalité. C’est une image merveilleuse, qui me pousse à affirmer qu’il n’y a décidément pas assez d’art dans l’espace public. Il faut que l’art contemporain s’ouvre davantage à la rue : les œuvres éphémères ne le sont pas, car elles restent dans les mémoires.

Ci-dessus, Nadia Vadori-Gauthier, Une minute de danse par jour, 12 février 2016, danse 395.