Stephan de Faÿ, nouveau directeur général de Grand Paris Aménagement, veut faire de l’établissement public un acteur à part entière du dév
Stephan de Faÿ, nouveau directeur général de Grand Paris Aménagement, veut faire de l’établissement public un acteur à part entière du développement économique. Il entend aussi, « à l’écoute des élus », contribuer à l’adaptation de la ville aux évolutions des modes de vie, de la consommation, du travail. Sur tous ces points, l’urbanisme et l’aménagement sont en première ligne…
Vous avez dirigé Bordeaux Euratlantique*. Y a-t-il eu, dans ce vaste projet, des enseignements, des points forts – dans les modes de construire, l’inspiration, l’organisation… – qui pourraient selon vous être transposés dans le Grand Paris, que vous souhaiteriez, en tout cas, valoriser dans cet espace francilien qui est désormais le vôtre ?
Lorsque je compare ce que j’ai vécu à Bordeaux et ce que je perçois ici, je suis frappé par le mal que l’on a, malheureusement, dans cet espace francilien à se saisir des enjeux de l’innovation. Évidemment, la Région Capitale est très attractive. Mais imaginer que cela peut suffire en tous points, que l’on peut s’en contenter, serait tout à fait illusoire. La métropole parisienne rencontre en fait plus de difficultés que les autres métropoles. Cette difficulté provient essentiellement des relations, elles-mêmes compliquées, entre les collectivités. Il y avait une grande cohésion, à Bordeaux, entre des élus de communes de tailles diverses, d’origines politiques parfois très différentes. Or, jouer collectif, c’est plus compliqué, certes, mais c’est indispensable quand on parle d’aménagement et de développement. Voilà un premier point : je voudrais voir plus de cohésion entre les élus. Et je voudrais œuvrer dans ce sens : à ma mesure, je souhaite d’ailleurs avant tout maintenir des relations fortes et confiantes avec les collectivités, justement pour aider à la cohésion. Par ailleurs, autre sujet important : ne pas opposer public et privé. Voilà les points auxquels je tiens beaucoup. Du point de vue des procédures innovantes, prenez le bail réel solidaire, un dispositif qui permet de dissocier le foncier du bâti pour faire baisser le prix des logements. Lorsque Paris a lancé la formule, il y a quelques mois, cela a paru exceptionnel, extraordinaire. À Bordeaux, cela existe depuis bien plus longtemps, au point que c’est devenu banal. Les méthodes de construction ? À Bordeaux, on a été pionniers en matière de construction bois et on l’a fait beaucoup plus que l’Île-de-France. Cette région a pourtant accès aisément, elle aussi, à la ressource bois.
En matière de cohésion, justement, votre prédécesseur, Thierry Lajoie, expliquait que GPA devait former « un pack » avec la Métropole du Grand Paris et la Société du Grand Paris. Est-ce une expression que vous reprenez à votre compte ?
Évidemment, quand on vient du Sud-Ouest, on ne peut qu’être favorable au pack ! Au-delà de l’expression, il est essentiel, bien sûr, que les relations soient confiantes entre ces acteurs qui sont complémentaires. Je ne me fais aucun souci à cet égard ! J’ai déjà eu l’occasion d’échanger avec Jean-François Monteil, président du directoire de la Société du Grand Paris, qui est un ami, et j’ai également rencontré le président de la Métropole du Grand Paris, Patrick Ollier… Cependant, je précise que Grand Paris Aménagement ne limite pas son action aux « frontières » du Grand Paris. En fait, nous attachons beaucoup d’importance aux territoires de la deuxième couronne et nous y intervenons d’ailleurs beaucoup. Les centralités rurales sont importantes en Île-de- France ; je ne crois pas en l’hyper-concentration… D’ailleurs, GPA intervient même en province ; nous venons en appui de l’État sur des projets partenariaux d’aménagement pour apporter notre expertise. Tout cela nous évite le risque de développer une vision qui serait par trop « parisiano-centrée » !
Parlons du Grand Paris justement. Le projet, à l’origine, avait pour but de remédier à des déséquilibres anciens, par exemple entre Est et Ouest franciliens. Est-on en voie de résorption de ces déséquilibres ?
Je préfère rester assez prudent sur la question du rééquilibrage : prenons garde à ne pas développer ou alimenter un discours misérabiliste ! Il y a beaucoup d’idées reçues. Regardez le redémarrage que nous vivons en ce moment : c’est la Seine-Saint-Denis qui repart le plus vite et l’Ouest pas si bien que cela ! Je suis fasciné par la vitalité économique de Pantin par exemple. L’enjeu aujourd’hui en Île-de-France, c’est plutôt de voir comment on attire des investissements et des emplois sur l’intégralité du territoire. L’Île-de-France est attractive au plan international et il n’y a pas lieu d’encourager des rivalités déplacées. Mieux vaut jouer collectif, pour le Val-d’Oise aussi bien que pour les Yvelines. En même temps, il faut écouter les entreprises, comprendre leurs attentes, créer les conditions favorables pour les accueillir. L’aménageur que nous sommes doit être pleinement acteur du développement économique ; nous le faisons avec la Région qui dispose de cette compétence et qui s’en est puissamment saisie.
Comment entendez-vous vous impliquer davantage en matière de développement économique ? Dans ce contexte, faut-il faire évoluer certains projets urbains parmi ceux que vous pilotez ?
La première mesure que j’ai prise dans cette perspective porte sur les équipes de Grand Paris Aménagement. J’ai créé un poste de directeur général adjoint en charge du développement économique et il est occupé par Fabien Guisseau qui était jusque-là directeur de la commercialisation chez Covivio. Il connaît bien les deux mondes du privé et du public ! Or, il est très important de parler le même langage que les entreprises, de les comprendre et de se faire comprendre d’elles. Jusqu’à présent, on était davantage dans l’optique de « produire des mètres carrés » sans investir complètement le champ de la prospection auprès des entreprises. Quant aux opérations elles-mêmes, elles vont plus que jamais se préoccuper de qualité de la vie certes, mais aussi de développement économique. Comment faire en sorte par exemple que les quartiers soient des leviers du développement du commerce de proximité ? Nous avons produit dans le passé de grands centres commerciaux. On sait maintenant qu’il faut sortir de ce « monofonctionnalisme » qui a fait beaucoup de dégâts dans certains endroits. Il y a même des centres existants qu’il faut aider à muter…
Les élus ont la préoccupation de faire vivre leurs centres-villes et de soutenir le commerce de proximité. Cette préoccupation se reflète-t-elle dans vos activités ?
Oui, nous allons monter en puissance sur ces opérations de revitalisation des centres-villes. Les grands projets suivent leur cours ; nous sommes confiants sur notre volume d’activité et n’anticipons pas de ralentissement. Mais il est vrai que les élus expriment de nouveaux besoins et nous allons intervenir davantage sur des opérations de plus petite taille, des opérations que l’on pourrait dire d’« orfèvrerie », qui sont très importantes pour les centres-villes. Nous avons un savoir-faire dans ce registre et il est précieux ; à nous de nous adapter aux besoins d’élus communaux qui, après une première année de mandature difficile, veulent agir.
* Bordeaux Euratlantique, l’une des plus vastes opérations d’aménagement de France, se déploie sur plus de 730 ha à Bordeaux, Bègles et Floirac. C’est une Opération d’intérêt national (OIN) menée par l’Établissement public d’aménagement (EPA) Bordeaux Euratlantique depuis 2010. Elle affiche une programmation mixte, souhaite localiser 30 000 emplois et loger quelque 50 000 personnes d’ici 2030.
Retrouvez l’intégralité de l’entretien dans le 33ème numéro d’Objectif Grand Paris.
Crédit photo : Grand Paris Aménagement.