Gares parisiennes : en transformation perpétuelle

Gares parisiennes : en transformation perpétuelle

Difficile d’échapper aux échafaudages, murs de palissades et sorties fermées dans les grandes gares parisiennes. Toutes ou presque font peau neuve pou

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Difficile d’échapper aux échafaudages, murs de palissades et sorties fermées dans les grandes gares parisiennes. Toutes ou presque font peau neuve pour mieux gérer les flux de voyageurs. Des rénovations d’envergure, menées ici par Gares & Connexions, filiale de la SNCF.

Comme si elles s’étaient données le mot, les grandes gares parisiennes font peau neuve de façon simultanée. Peu à peu, elles abandonnent leurs abords tristes, leurs couloirs sombres et leurs cellules commerciales désuètes pour s’ouvrir à « l’urbanisme et à l’aménagement d’intérieur du XXIe siècle ». Aux manettes, SNCF Gares & Connexions, filiale du groupe SNCF, chargée de rénover et d’accroître la rentabilité des gares du réseau. Établir des liens entre la gare et la ville semble, dans ce contexte, indispensable. « Aujourd’hui, avec le renouveau des transports publics, les gares doivent résolument être au cœur de la cité multimodale », explique Patrick Ropert, directeur général de SNCF Gares et Connexions.

L’exemple le plus emblématique de ces gares nouvelle génération est certainement celui de Paris Saint-Lazare. Dix ans d’études, trois ans de chantier (2009-2012) et plus de 130 millions d’euros (investis par SNCF Gares & Connexions et l’acteur de l’immobilier de centres commerciaux Klépierre) ont été nécessaires pour réaménager en profondeur l’intérieur et l’extérieur de cette gare qui n’a cessé de voir le nombre de ses voyageurs augmenter depuis sa mise en service en 1837. Aujourd’hui, elle accueille 450 000 voyageurs par jour. Premier objectif pour fluidifier leurs allées et venues : réorganiser les flux en multipliant les escalators et couloirs afin d’offrir plusieurs possibilités d’entrées et de sorties. Certains sur la ville, d’autres pour accéder aux lignes de métro. Des passages souterrains mènent également jusqu’aux quartiers limitrophes de la gare, notamment à celui des grands magasins.

Pour accentuer sa dimension centrale, 80 commerces et restaurants ont été installés sur trois niveaux. Leur point fort : ils sont ouverts de 7 h à 23 h pour les plus grandes amplitudes horaires. De la supérette au cordonnier en passant par les boutiques de prêt-à-porter et un laboratoire d’analyses médicales, la gare s’est transformée en centre-ville vertical. « Paris Saint-Lazare est l’un des premiers prototypes d’espaces de la ville contemporaine », indiquent les acteurs du projet.

3,1 milliards d’euros de valeur ajoutée

Pour être au cœur de la cité, la gare se devait aussi de rayonner par son architecture. Déjà imposant, le bâtiment construit en 1886 par Juste Lisch a été complètement rénové, en partenariat avec les Architectes des bâtiments de France. Les lieux s’adaptent par ailleurs aux modes contemporaines : mobiliers urbains, marchés culinaires éphémères, œuvres d’art et animations musicales prennent tour à tour place sur les deux grands parvis Rome et Havre.

L’équation flux-commerces-réaménagement s’avère payante. D’après le Conseil national des centres commerciaux, le chiffre d’affaires des commerces en gares est plus élevé que celui des magasins implantés dans les centres commerciaux.

De bons résultats qui, forcément, boostent les chiffres de SNCF Gares & Connexions. En 2016, les gares ont généré 3,1 milliards d’euros de valeur ajoutée. En outre, en 2017, le chiffre d’affaires de la filiale s’élevait à 1,2 milliard d’euros. Une enveloppe qui lui permet de réinvestir la même somme, sur la période 2018-2020, dans la rénovation des autres gares du réseau. « On a su monter un modèle économique qui permet d’assurer régulièrement la rénovation de biens publics. Aujourd’hui, on améliore les gares année après année. Ça, c’est un grand changement », souligne Patrick Ropert.

Trois gares toujours en chantier

Ce cercle vertueux permet aussi d’alimenter Arep en projets architecturaux. Ce bureau d’études pluridisciplinaires, créé en 1997, est aussi une filiale du groupe SNCF. Parmi ses spécialités, la conception-rénovation de gares en France mais aussi à l’étranger. Pour l’année 2019, Arep a été classé au 25e rang mondial des 100 meilleurs architectes (World Architecture 100) par l’hebdomadaire britannique Building Design. Si l’agence était à la manœuvre pour la réalisation de la gare de Paris Saint-Lazare et de la gare de l’Est, elle l’est toujours pour la transformation des gares du Nord, d’Austerlitz et de Montparnasse. Ces mutations se poursuivent sur le modèle des deux premières, lui-même issu du concept Transit-oriented development (TOD).

Popularisé en 1993 par l’architecte américain Peter Calthorpe, le TOD correspond à une nouvelle façon de faire la ville autour des gares. Ainsi, dans un rayon de 600 mètres à pied, habitants, visiteurs et voyageurs doivent pouvoir trouver commerces, services, équipements publics, bureaux et logements. Le TOD le plus abouti devrait être mis en œuvre à la gare du Nord. Le groupe SNCF prévoit de tripler sa taille d’ici 2023. En plus de nouveaux espaces commerciaux et de circulation, le groupe envisage d’en faire un nouveau quartier, notamment en réinvestissant les toits de la gare pour y implanter des espaces verts, des activités et des lieux dédiés à la culture. Si Patrick Ropert, avec Gares & Connexions, affirme « contribuer à la création de valeur en cœur des villes », il participe aussi à l’augmentation des prix de l’immobilier dans une ville qui les voit déjà régulièrement grimper. Selon l’Insee, Paris a perdu 12 000 habitants par an entre 2011 et 2016. Parmi les causes, le coût de l’immobilier et la rareté de l’offre en logements. Une question se pose désormais : le TOD à la française est-il ainsi un vecteur d’exclusion ?

Retrouvez l’intégralité du dossier spécial « Gares parisiennes » dans le dernier numéro d’Objectif Grand Paris

Légende photo le chantier de la gare d’Austerlitz. Pose d’échafaudages (mars 2018).

© SNCF-AREP / Photographe : Mathieu Lee Vigneau.