Les quartiers durables – écoquartiers et quartiers écologiques innovants (QEI) – se veulent exemplaires. Mais ils ne représentent, en superfic
Les quartiers durables – écoquartiers et quartiers écologiques innovants (QEI) – se veulent exemplaires. Mais ils ne représentent, en superficie programmée, que 15 % des projets en Île-de-France. Il faut accompagner davantage les collectivités, développer la formation et organiser de nouvelles filières pour qu’au-delà du quartier durable, la ville durable voie le jour.
Verts, mixtes, compacts, mobiles, sobres, performants, durables… À en croire leurs initiateurs, les collectivités locales, leurs aménageurs, privés ou publics, et même – avec un peu moins d’unanimité… – les gens qui y vivent, les écoquartiers ont pour ambition d’être tout cela à la fois. C’est leur vocation même : un écoquartier se doit d’être un morceau de ville exemplaire au regard des enjeux de la transition écologique et de l’évolution sociétale, et un label, créé il y a dix ans, est là pour le garantir.
« Ce sont des démonstrateurs du bien-vivre. » – Florian Bercault, président de la Commission nationale des écoquartiers.
L’idée a germé en 2009, dans le sillage du Grenelle de l’Environnement (2007) et elle a trouvé une première concrétisation avec la mise sur pied du label officiel en 2012 par le ministère de l’Écologie et du développement durable de l’époque. Les confinements successifs n’étaient pas encore passés par là, mais il s’agissait tout de même, dès ce moment-là, de faire naître une « ville durable » capable de répondre à la fois aux impératifs de la transition écologique et aux besoins quotidiens de citadins de plus en plus critiques face à leur cadre de vie. La méthode ? Encourager et valoriser les expérimentations les plus pertinentes.
Un label fort apprécié si l’on en croit le succès de la formule : au fil des années, les quartiers durables se sont multipliés – ils sont environ 600 aujourd’hui en France – et ils sont présents sur l’ensemble du territoire, parfois mettant en place leurs premières pierres, parfois déjà livrés et habités. La seule Île-de- France en compte environ 120 – classés « Écoquartiers » ou bien « Quartiers écologiques innovants » (QEI), un label régional – à des degrés d’avancement divers.
Biodiversité, stratégie énergétique, adaptation aux nouveaux modes de vie
Le plus souvent, un quartier dit « durable » commence avec la volonté de renouer avec la nature lorsqu’elle est encore présente ; ainsi en est-il du quartier des Bords-de-Seine, à Issy-les- Moulineaux, qui, au-delà de la construction de logements et de bureaux, avait pour premier objectif, à sa naissance, de relier la ville à la Seine. Dans cet écoquartier historique, puisqu’il a été initié dès le début des années 2000, il s’agissait de « prolonger la ville vers le fleuve et d’établir une continuité avec toute l’île Saint-Germain, avec Billancourt », souligne Philippe Knusmann, adjoint isséen à l’urbanisme. Le projet des Docks de Ris-Orangis, dans l’Essonne, a également mis l’accent sur l’intégration de la nature puisqu’il préserve, sur un site de 18 hectares, 8 hectares classés en espaces naturels sensibles.
À Paris même, l’écoquartier Clichy-Batignolles, mutation radicale d’un site autrefois dédié aux infrastructures ferroviaires, accueille, sur un total de 50 hectares, un parc urbain – dénommé « Martin Luther King » – de 10 hectares.
Autre ambition caractéristique des écoquartiers, la sobriété énergétique, qui passe aussi bien par le recours aux énergies re- nouvelables que par les techniques constructives – ventilation naturelle, orientation, choix des matériaux, isolation… – ou par la récupération des énergies fatales environnantes. La géothermie, qui va chercher sous terre l’eau à température constante, s’est ainsi beaucoup développée : c’est cher au départ, mais économique en consommation…
L’adaptation aux évolutions sociétales fait aussi partie du cahier des charges. La mixité d’abord : fini le « zonage » qui a découpé la vie en rondelles – ici on dort, ici on travaille, ici on se distrait… – en se moquant de ce « vivre-ensemble » dont on ne parlait pas dans les années 1960. Les écoquartiers doivent faire une place au logement social et mêler aussi harmonieusement que possible logements, commerces, bureaux. Au sein des immeubles, il s’agit aussi de proposer des « lieux en commun » prêts à évoluer en fonction des besoins des habitants, pour faciliter le « vivre-ensemble » : ce sont des salles de jeux, des buanderies, des lieux de spectacle… Une façon, aussi, d’agrandir en quelque sorte des logements toujours trop petits en région parisienne.
La participation, voire la co-conception, est de mise : dans de nombreux projets, des ateliers sont organisés pour associer les habitants ou futurs habitants à la conception du projet et au fonctionnement du quartier. Des échanges qui servent aussi – et peut-être surtout – à faciliter l’acceptabilité de chantiers forcément générateurs de nuisances et de… recours !
Par là-dessus, il convient d’être connecté – les quartiers isolés sont toujours en grand danger d’exclusion – au reste de la ville ou à la campagne via les transports et équipements publics, et connecté au sens technologique du terme : la domotique – pilotage à distance des appareils « électrodomestiques », compteurs communicants, détecteurs et régulateurs… – figure parmi les ambitions des écoquartiers les plus récents.
Pousser l’innovation toujours plus loin
Énoncer ainsi quelques-unes des ambitions des écoquartiers montre à quel point il est difficile de les cerner : c’est la diversité qui règne en maître, avec des quartiers « touche-à-tout » qui parlent aussi bien d’environnement, de biodiversité et de sobriété énergétique que de vivre ensemble, de participation ou de démocratie locale.
« Avant, on faisait du logement, maintenant, c’est le renouvellement urbain qui compte, c’est beaucoup plus global. Les projets s’appuient sur une réflexion très large, font intervenir des savoir-faire multiples, des paysagistes aux urbanistes en passant par les architectes, le monde associatif, etc. » – Émilie Jarousseau, urbaniste à l’Institut Paris Région.
Même remarque dans la bouche de Florian Bercault : « Il est difficile de définir en quelques mots ce qu’est un écoquartier, car ils sont tous différents. Ce qui compte, c’est de se poser des questions, de s’engager, de pousser toujours plus loin les ambitions… »
Du même coup, les écoquartiers sont en perpétuelle évolution : ce qui était innovant il y a dix ans étant devenu la norme, il faut pousser plus loin les technologies mises en œuvre. « On parlait d’isolation, c’est devenu l’évidence », confirme Émilie Jarousseau. « Maintenant, on pense matériaux bio- sourcés ou déchets recyclés. »
Sur le campus de Saclay, un véritable démonstrateur de ce qui peut être fait en matière de transition énergétique se met ainsi en place : le réseau d’échange de chaleur et de froid y repose à la fois sur l’utilisation de la géothermie, source de chaleur locale propre, et sur la récupération de la « chaleur fatale » issue d’autres installations (le supercalculateur Jean Zay, le Synchrotron Soleil). Dans le cas de Saclay, il s’agit bien sûr d’extension urbaine, et il est donc plus simple d’innover. Plus complexe, à Issy-les-Moulineaux, c’est au centre même de la ville historique que la géothermie devient la source principale d’énergie : dans le nouveau quartier Cœur de ville, 600 logements et des milliers de mètres carrés de bureaux et d’équipements publics seront à la fois chauffés et refroidis par une boucle géothermique. Au total, 70 % des besoins en chauffage et en froid du quartier proviendront ainsi d’une source d’énergie renouvelable ; un gain pour l’environnement, mais aussi pour les habitants qui, après avoir acheté très cher leur logement, auront la satisfaction de voir leur facture allégée.