La démocratie participative fait son entrée dans les quartiers en rénovation urbaine au travers de réunions de quartier inscrites dans la loi. Mais le
La démocratie participative fait son entrée dans les quartiers en rénovation urbaine au travers de réunions de quartier inscrites dans la loi. Mais les habitants n’ont pas toujours les clés pour comprendre les processus de transformation. L’École du renouvellement urbain, à Aubervilliers, se donne pour mission de les former et demande plus de moyens pour faire face à la croissance des conseils citoyens.
« Il est primordial d’acquérir une méthode. Il y doit y avoir un ordre du jour pour chaque assemblée et il faut s’y tenir. Sinon, les réunions durent des heures et certains habitants ne reviennent plus », regrette Abdel. En cette matinée d’avril, ce jeune habitant d’Aubervilliers s’exprime en présence d’Hélène Geoffroy, secrétaire d’État chargée de la ville, et de Patrick Braouezec, président de l’Établissement public territorial de Plaine Commune. Cette méthode dont il parle, Abdel l’a assimilée à l’École du renouvellement urbain, située à Aubervilliers, lors de la formation « Acteurs Habitants ».
C’est justement la mission de cette école née en 2005 : il s’agit enseigner, durant cinq jours à une vingtaine de personnes venues des quatre coins de la France (Outre-mer compris) mais aussi aux professionnels (bailleurs sociaux, fonctionnaires territoriaux), les outils et le vocabulaire relatifs au processus de rénovation urbaine. Bref, mieux comprendre comment la ville se transforme et mieux participer aux conseils citoyens, désormais obligatoires depuis la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine de février 2014. Ces derniers se veulent des lieux d’expression et de construction d’un projet urbain dans les quartiers en rénovation urbaine.
Florent, habitant de Saint-Denis, semble également satisfait : « La formation m’a apportée plus de légitimité face aux acteurs institutionnels. De plus, elle permet de relativiser nos situations locales et de voir ce qui se fait ailleurs. »
40 000 euros par session
Au programme, balades urbaines pour s’exercer l’œil, présentation des dispositifs publics et des différents acteurs intervenant dans un projet, rédaction d’un diagnostic territorial, la formation se terminant par la restitution de travaux par les élèves. Pour les encadrer, l’École dispose d’un réseau d’une soixantaine d’experts à l’échelle nationale, qui revêtent pour l’occasion une casquette d’enseignants en architecture et urbanisme, en politiques territoriales, en sociologie ou encore en développement économique. Depuis 2011, près de 330 personnes ont suivi cette formation.
Aujourd’hui, l’École du renouvellement urbain propose quatre sessions de formation par an. Mais pour sa directrice, Chantal Talland, ce n’est pas assez, compte tenu du développement des conseils citoyens. Près de 800 ont été créés à ce jour, à l’échelle nationale. « L’École est prête à former davantage d’habitants. Nous pouvons ouvrir une ou deux sessions par mois si le gouvernement, de son côté, augmente nos moyens », explique-t-elle. Une session coûte 40 000 euros (le transports, l’hébergement et les repas sont pris en charge par l’École), financés pour moitié par le Commissariat général à l’égalité des territoires, le reste étant réparti entre l’Union sociale pour l’habitat et l’Agence nationale pour la rénovation urbaine.
Consciente des besoins, Hélène Geoffroy promet une enveloppe plus conséquente. « Nous devons encourager la formation d’une nouvelle génération de citoyens qui seront capables de parler d’égal à égal avec les élus », déclare-t-elle. Pour 2016, l’État devrait allouer 2 millions d’euros à l’École afin d’augmenter le nombre de sessions.
Trop peu d’habitants formés
C’est également le souhait de certains habitants : « À la création de notre conseil citoyen, nous étions tous dans le flou ! Ce que j’ai appris lors de la formation « Acteurs Habitants » me permettra de faire avancer les discussions. Il faudrait cependant que cette formation puisse être décentralisée pour faciliter la participation des salariés », conseille Lydie, une habitante de Brunoy (91). Car, si la loi les autorise à prendre un « congé de représentation », l’expérience prouve que les salariés utilisent peu ces dispositifs. « Contrairement aux pays scandinaves, où des formations sont proposées aux habitants depuis 30 ans, en France, ce n’est pas encore entré dans les mœurs », regrette Michel Bonetti, sociologue chercheur et professeur à l’École du renouvellement urbain.
Augmenter le nombre de sessions est également une priorité pour Henri, de Beauvais, qui a vécu des moments difficiles du fait du manque de compétences des membres de son conseil citoyen. « Ils ne savent pas quoi faire. Des incompréhensions naissent de toutes parts car certains habitants n’ont pas été formés pour faire fonctionner une association. C’est un vrai problème », se plaint-il.
Si le gouvernement tient ses engagements, les choses pourrait s’améliorer, même si, parfois, certains rejettent ce qu’ils considèrent comme un double discours de la part des élus : « Certains projets sont classés Opérations d’intérêt national. Donc, au nom de ce dispositif qu’on ne nous explique pas vraiment, l’avis des habitants ne compte plus », regrette, amer, Florent de Saint-Denis.