Daniel Weizmann : le recrutement, problème majeur des entreprises franciliennes

Daniel Weizmann : le recrutement, problème majeur des entreprises franciliennes

Fin août à l’hippodrome Paris Longchamp, le Medef organisait sa Rencontre des entrepreneurs de France (REF) annuelle. Thème central de ces universit

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Fin août à l’hippodrome Paris Longchamp, le Medef organisait sa Rencontre des entrepreneurs de France (REF) annuelle. Thème central de ces universités d’été 2022 : Euro Visions. Malgré cet intitulé destiné à susciter le sourire, nul ici n’était vraiment d’humeur à pousser la chansonnette : l’objectif pour les entreprises était de dessiner les traits de l’Europe qu’elles veulent – ou qu’elles espèrent –, au moment où les nuages s’amoncellent sur l’économie du vieux continent.
Entre guerre aux portes de l’Union, retour de l’inflation, difficultés récurrentes d’approvisionnement et de recrutement, les chefs d’entreprise ne manquent pas de sujets de préoccupation. Des sujets qu’ils ont pu mettre sur la table, en interpellant la quasi-totalité du gouvernement français, dont les membres, comme chaque année, se sont succédé à la tribune, doublant ainsi la rentrée économique d’une rentrée politique.

À l’occasion de ces journées, le président du Medef Île-de-France, Daniel Weizmann, détaille pour nous l’impact de cette inquiétante conjoncture sur les entreprises franciliennes. Malgré la nécessité de transformer des modèles économiques désormais menacés d’obsolescence par la menace énergétique aussi bien que par la transition climatique, ce sont ici les difficultés de recrutement qui pénalisent le plus la croissance. Explications.

Comment les entreprises franciliennes sortent-elles de la crise sanitaire ? Reprise vigoureuse ou nouvelles difficultés ?

L’Île-de-France a retrouvé un niveau d’activité comparable à ce qu’elle connaissait avant le Covid. On pensait que la reprise serait très longue et, finalement, les entreprises franciliennes ont retrouvé des couleurs assez rapidement. La région a été moins impactée que d’autres parce qu’elle est moins industrielle ; on a pu y travailler à distance plus aisément. Les services ont été moins touchés que l’industrie, en dehors bien sûr de l’hôtellerie et de la restauration, évidemment très lourdement impactées. Par ailleurs, les entreprises franciliennes, comme celles des autres régions, ont été massivement soutenues par les prêts garantis par l’État et par l’accès au chômage partiel. Environ la moitié de ces prêts n’ont d’ailleurs pas été dépensés, ou pas dépensés en totalité, dans les entreprises qui les avaient sollicités par précaution plus que par absolue nécessité. Celles-là n’ont pas de difficulté à rembourser. Sur la totalité des entreprises bénéficiaires, environ 10 % rencontrent des difficultés pour le remboursement. Cette assistance complète, entre prêts et chômage partiel, a permis d’éviter les défaillances d’entreprises qui ont lieu en temps normal et ces défaillances reprennent à présent, même si l’on est loin de la situation de 2019. Nous considérons aujourd’hui qu’il faut retourner à la normale et sortir du « quoi qu’il en coûte », à l’exception de certains secteurs encore en difficulté. Cela crée des écarts très importants sur le marché et cela fausse la concurrence.

Le prix de l’énergie a fortement augmenté et la première ministre a appelé les entreprises à la sobriété. Quelles conséquences pour les entreprises franciliennes ?

La crainte, c’est évidemment que la croissance des prix de l’énergie ne déséquilibre le modèle économique des entreprises ou que d’éventuelles pénuries ne conduisent à des coupures et des arrêts de la production. Là encore, cela concerne surtout les usines et donc le secteur industriel. Quoi qu’il en soit, la sobriété concerne toutes les entreprises même si l’imposer est difficile. Les entreprises sont toutefois assez responsables et elles sont de toute façon contraintes par les coûts. Pour notre part, nous allons éditer des guides (chauffage, lumières, etc.) pour les aider et les accompagner en matière de sobriété. Toutes les entreprises sont actuellement en train de s’organiser ou de se réorganiser pour s’adapter à la contrainte énergétique. D’une manière générale, et de plus en plus, elles devront être agiles, capables de remettre en cause rapidement leurs modèles, de s’adapter à un environnement très mouvant. L’inflation galopante et la crise énergétique nous forcent à nous adapter, et cela sera peut-être salvateur à certains égards : il nous faut de toute façon impérativement intégrer l’environnement et la décarbonation, cela fera partie intégrante des nouveaux modèles.

Les entreprises franciliennes souffrent-elles de la guerre en Ukraine ?

Les grands groupes qui étaient installés en Russie ont évidemment subi un impact direct. Renault a ainsi dû céder ses actifs. Dans l’immédiat, c’est un manque à gagner considérable même si le groupe a pu en amortir l’impact. Pour ce qui concerne l’Ukraine, les échanges étaient relativement limités, avec des importations françaises très orientées vers la production agricole. C’est donc l’agroalimentaire qui a été touché. Cette crise nourrit aussi l’inflation et pèse sur l’approvisionnement des entreprises, notamment dans l’industrie.

La période Covid a modifié la vie au travail et a, en particulier, installé le télétravail dans les entreprises. Est-ce un avantage, dans une région où l’immobilier est très coûteux, ou bien une difficulté de plus ?

Les habitudes héritées du chômage partiel et le télétravail ont complètement changé la vie dans l’entreprise et modifié la sociologie du travail. En région parisienne, le transport constituant une lourde charge pour de nombreux salariés, le télétravail est un avantage. Il y a là un gain réel pour la vie privée, l’équilibre entre la vie au travail et la vie de famille. Mais cela crée par ailleurs un problème d’identité d’entreprise. Perdre le lien entre les gens, c’est aussi créer du mal-être. Cela suppose des difficultés pour le management, qui doit réorganiser le travail. Bien sûr, sur le plan immobilier, il peut y avoir des gains. Deux jours de télétravail par semaine, cela tend à devenir une norme et c’est 40 % de temps de travail sur site en moins. Pour ce qui me concerne par exemple, dans mon entreprise, nous arrivions en fin de bail et nous en avons profité pour passer de 5 000 à 2 000 mètres carrés. C’est une économie non négligeable. Les promoteurs, dans ce contexte, vont devoir repenser leurs modèles et proposer des locaux adaptés aux nouveaux besoins.