Bye bye Gagarine : Ivry change d’époque, pas de politique

Bye bye Gagarine : Ivry change d’époque, pas de politique

La cité Gagarine, emblème de la banlieue rouge inaugurée il y a près de soixante ans à Ivry-sur-Seine, est en cours de déconstruction. Elle laissera p

Issy-les-Moulineaux accélère la digitalisation de ses services
La Métropole se dévoile dans un film
L’ADEME Île-de-France s’engage avec la CRESS Île-de-France dans l’économie sociale et solidaire

La cité Gagarine, emblème de la banlieue rouge inaugurée il y a près de soixante ans à Ivry-sur-Seine, est en cours de déconstruction. Elle laissera place, d’ici 2030, à une « agrocité » complètement renouvelée de  1 400 logements.  Sa vocation, elle, -accueillir des Ivriens à prix accessibles- ne changera pas. 

Ivry-sur-Seine, 62 000 habitants, bastion communiste de la banlieue sud, inaugurait, en 1963, la cité Youri Gagarine. Barre d’immeuble en forme de T haute de treize étages, elle fait partie des multiples grands ensembles construits pendant l’après-guerre pour répondre à un important besoin de logement social, notamment ouvrier. 

Au départ, la cité est un havre de paix et elle dispose de tout ce que l’on considère alors comme le  « confort moderne » : eau courante chaude et froide, toilettes et salles de bain dans tous les appartements, grandes fenêtres et appartements aéré ascenseurs,… A partir des années 80, les choses se gâtent, et c’est la « spirale négative », selon les mots de Romain Marchand, adjoint au maire chargé de l’urbanisme de la Ville d’Ivry-sur-Seine : dégradation du bâti -problèmes d’isolation, amiante…-, importants problèmes sociaux en partie dus à l’enclavement de la cité, bruit, délinquance, trafic de drogue… «Ceux qui cherchaient un logement social refusaient catégoriquement Gagarine, ceux qui y habitaient n’en pouvaient plus. Il fallait faire quelque chose », explique Romain Marchand. Grandeur et décadence… 

Nostalgie et soulagement 

Le projet de transformation de la Cité Gagarine est en réflexion depuis 2005. « Il a été pensé en étroite collaboration avec les habitants, chez qui on percevait certes de la nostalgie, mais surtout  du soulagement », affirme Romain Marchand. En 2014, les premiers habitants sont relogés ; en 2015, le projet de réhabilitation est classé comme projet d’intérêt régional du Nouveau programme national de renouvellement urbain ; en 2016, la ZAC Gagarine est créée, fin 2019, un engin commence à grignoter le bâtiment et entame ainsi sa déconstruction. Une démarche longue, certes, mais qui a paru nécessaire à la mutation d’un ensemble immobilier devenu quasiment mythique au fil des années, tant il était représentatif des constructions d’une époque -l’après-guerre- aussi bien que des difficultés sociales accumulées au fil des années. 

La Ville a préféré la déconstruction à la démolition, pour permettre le réemploi et la revalorisation d’un maximum de matériaux, mais aussi pour « faciliter le deuil et éviter le traumatisme des habitants qui étaient, malgré tout, très attachés à cette cité », explique Romain Marchand. Tous les habitants ont été relogés à Ivry, la majeure partie dans des logements neufs, et ils ont un « droit de retour » : ils sont prioritaires s’ils souhaitent retourner vivre à Gagarine une fois la transformation de la cité achevée. 

Plus ouverte et plus verte 

Sur une surface multipliée par deux grâce à la récupération de friches, la future cité comprendra 1 400 logements -contre 400 actuellement-, répartis dans des tours de tailles variables. Elle devrait accueillir 30% de logement social (dont 40% à des prix plafonnés), et 70% de logements en accession avec une priorité donnée aux Ivriens. « C’est une page qui se tourne mais nous avons le même objectif que quand la cité a été construite : offrir une bonne qualité de vie à nos habitants à des prix très accessibles », affirme Romain Marchand. 

Par ailleurs, l’objectif est d’ouvrir la cité sur la ville en y ajoutant des commerces, des équipements publics -une école, un gymnase, un city stade et une maison de quartier-, et en dédiant deux hectares à l’agriculture urbaine : un hectare en pleine terre et un en toiture. « On ne sais pas encore si les fermes urbaines seront gérées par le public, le privé ou l’associatif, toute cette partie du projet, pour laquelle nous sommes en collaboration avec AgroParitech, est encore très floue », reconnait l’élu. « Ce qu’on veut, c’est que Gagarine devienne un quartier comme les autres, pas un lieu d’exception ni de privilège pour une partie des Ivriens. Je trouve que parfois, les écoquartiers, c’est un peu ça », poursuit-il. Concernant l’esthétique, « des matériaux de qualité, pas de PVC, et si possible de la brique rouge ». 

Coût de l’opération : 90 millions d’euros. Surprise : l’ensemble doit être achevé en …2030. On peut s’étonner d’une telle durée pour une réhabilitation lancée au début des années 2000. Pour entrer dans le Gagarine version XXIème siècle, les Ivriens devront s’armer de patience.

Perspective du futur quartier
©EPA Orsa Archikubik

 

Une déconstruction responsable

Le chantier de Gagarine pourrait bien servir de modèle à l’industrie du BTP. Cette fois, pas de démolition à la dynamite, mais une « déconstruction responsable ». Le grignotage du bâtiment a commencé en janvier, après les phases de curage et de désamiantage des murs. L’objectif : revaloriser 90% des 30 000 tonnes de brique et de béton engendrées par le chantier. Le reste correspond à ce qui a été contaminé par l’amiante. Comment ? « En les concassant jusqu’à obtenir un granulat, qui servira ensuite à faire des routes, à combler les sols ou à remblayer les caves… », explique Sandy Messaoui, directeur de projet pour Grand Paris Améagement, société en charge de la transformation de la cité Gagarine. Par ailleurs, tout ce qui est encore utilisable est revendu. Les radiateurs, les boîtes aux lettres ou encore les portes sont démontées et mis en vente sur Backacia, une plateforme digitale dédiée aux professionnels du BTP, spécialisée dans le réemploi des matériaux et équipements de construction. Le profit est mince, cela évite surtout la mise en décharge, qui représente un coût important pour le maître d’ouvrage.

©Backacia

Article plus ancien