Anne Démians, une architecte à l’Académie des Beaux-Arts

Anne Démians, une architecte à l’Académie des Beaux-Arts© David Atlan

L’architecte Anne Démians est entrée dans l’histoire en devenant la première femme à intégrer l’Académie des Beaux-Arts. Ses différents projets sont

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L’architecte Anne Démians est entrée dans l’histoire en devenant la première femme à intégrer l’Académie des Beaux-Arts. Ses différents projets sont marqués par l’attachement au contexte historique, par le choix de matériaux pérennes, mais aussi par la réversibilité des bâtiments. Portrait.

Première femme architecte élue membre de la section d’architecture de l’Académie des Beaux-Arts. Anne Démians vient ainsi de marquer l’histoire. L’architecte de 59 ans occupe désormais le fauteuil IV, réservé jusqu’en 2019 à Roger Taillibert. Ce dernier aurait lui-même écrit, quelques années plus tôt : « Je ne puis que regretter aujourd’hui qu’aucune femme ne fasse partie de notre section. » Un rappel fait par Sebastiao Salgado, photographe et académicien, qui a eu l’honneur de prononcer le discours d’installation d’Anne Démians, le 18 janvier 2023. L’Académie, c’est une affaire de famille. Le grand-père de l’architecte, Henri Drouot, était historien et correspondant à l’Académie des sciences politiques et morales. « Il n’a pas été académicien car il ne voulait pas quitter sa Bourgogne. Pour ma part, je suis devenue académicienne car on me l’a proposé, ce n’était pas un plan de carrière. Mais je suis très à l’aise avec l’Académie des Beaux-Arts car l’architecture est faite de tous les arts », déclare-t-elle.

Anne Démians se prend très tôt de passion pour le dessin, à Grenoble, où elle grandit. Une prédisposition qu’elle tient de sa grand-mère qui aimait croquer ses souvenirs de voyage.

« Lorsque j’étais enfant, je croyais que l’architecture, c’était dessiner. À l’âge 10 ans, je savais que je voulais être architecte, même si j’avais une idée complètement fausse du métier ! Mais je l’ai préservée afin de pouvoir dessiner l’univers dont je rêvais », se souvient-elle.

Henri Gaudin, son mentor

Dans les années 1980, elle s’inscrit à l’École nationale supérieure d’architecture de Versailles, spécialement pour suivre les cours de Henri Gaudin. Anne Démians partageait une passion avec son professeur : l’histoire. Une discipline qu’elle intègre d’une façon ou d’une autre lorsqu’elle élabore ses projets. « L’histoire dans la dimension d’enseignement ou d’interaction qu’elle peut apporter, pas dans le rapport nostalgique », souligne-t-elle.

Un pied à l’École, un pied au sein de l’agence de son mentor dans laquelle elle travaillera durant sept ans. Elle l’assistera sur de grands projets, tels que le musée Guimet à Paris, la faculté des Sciences d’Amiens ou encore le palais de justice de Nantes.

Diplômée d’architecture et d’urbanisme en 1988, elle crée sa première agence en 1995 à Montreuil. Elle gagne plusieurs concours à Amiens grâce à « cet enseignement que j’avais eu avec Henri Gaudin, à la façon de prendre en compte l’existant en y ajoutant une expression contemporaine, tout en respectant les savoir-faire locaux », explique Anne Démians. Elle réutilise notamment la brique dans ses projets. La jeune professionnelle réalise ainsi un cinéma d’art et d’essai, un restaurant universitaire et des logements pour étudiants.

En 2005, l’architecte fonde l’agence Architectures Anne Démians, dans le 10e arrondissement de Paris, qui compte aujourd’hui 30 salariés. Elle conçoit des projets très divers, en mettant un point d’honneur à mettre en œuvre les réflexions qui lui tiennent à cœur :

« J’ai toujours eu la conviction que la recherche sur la matérialité était importante. Comment choisir une matière adaptée pour révéler la dimension sensible d’un site, dans un bilan économique juste, et garantir sa pérennité dans le temps long. »

Pour le programme de bureaux Les Dunes, siège de la Société Générale à Val de Fontenay livré en 2016, Anne Démians fait le choix d’un « bois recyclé 100 % recyclable qui ne demande aucun entretien grâce à une résine de bois mêlée à la pâte de bois. Produit au Japon, il n’avait jamais été utilisé en Europe à cette époque. »

« Immeuble à destination indéterminée »

Autre prise de position, en 2014 : la transformation de bureaux en logements, à l’époque où on ne parlait pas ou très peu de réversibilité des bâtiments. Elle l’illustre avec le projet des Black Swans à Strasbourg. « J’étais prête à défendre ma position, quitte à perdre le concours. Je ne voulais pas proposer des bureaux classiques car je savais que le programme allait évoluer dans le temps. Et, finalement, Icade a accepté de se lancer », raconte-elle.
Celle qui considère que « l’autonomie de pensée est indissociable d’une créativité prospective » va même jusqu’à créer le label « Immeuble à destination indéterminée ».

« Nous avons réussi à renverser cette idée préconçue qu’un prix au mètre carré devait être différent selon qu’il s’agisse de bureaux ou de logements. Les architectes doivent pouvoir exercer leur liberté de création, en proposant non pas un produit, mais des ouvrages fluides et adaptables pour répondre aux besoins des habitants et installer l’aménagement des villes dans le temps long », ajoute-elle.

C’est également cette philosophie, « de faire des projets qui portent des valeurs de société », qui l’amènera dans le cadre de la réhabilitation et l’extension des thermes de Nancy à en « faire un lieu pluridisciplinaire, où toutes les générations vont se rencontrer autour du soin médical, du bien-être ou encore du sport à destination des enfants », précise-t- elle. En plus de proposer un espace ouvert à tous dès juin 2023, Anne Démians poursuit l’œuvre de l’architecte Louis Lanternier, restée inachevée depuis la Première Guerre mondiale. « Le patrimoine peut être requestionné et mis en valeur par une architecture contemporaine », indique-t-elle.

L’architecte au centre du projet

Autre projet phare du moment : la restructuration et l’extension de l’École supérieure de physique et de chimie industrielles à Paris (5e arr.), qu’elle remporte face à des architectes de renom, tels Rem Koolhaas et Renzo Piano. Anne Démians propose de conserver la façade historique des années 1930 et de compléter l’intérieur de l’îlot par des bâtiments contemporains, aux espaces évolutifs. L’ensemble, vu du ciel, ressemble à « une spirale qui ouvre vers l’infini ». Spirale d’ailleurs matérialisée, au sein du bâtiment, par « un escalier, éclairé sur toutes ses faces, qui est la métaphore de la diffusion du savoir », selon l’architecte, ici très attachée à « la symbolique de la forme ».

Anne Démians porte plusieurs combats, notamment celui de défendre la jeune génération d’architectes. Elle ambitionne de remettre l’architecte au centre du projet, aux côtés de la maîtrise d’ouvrage, et de ne faire intervenir les constructeurs qu’après la délivrance du permis de construire. Son entrée à l’Académie des Beaux-Arts pourrait changer la donne.

Retrouvez l’intégralité de l’article dans le 17ème numéro d’Objectif Métropoles de France.

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