‘Sur notre territoire en réparation, le pragmatisme doit primer’

‘Sur notre territoire en réparation, le pragmatisme doit primer’

La Seine-Saint-Denis présente une évolution contrastée : autrefois industriel, le département connaît un nouvel essor, essentiellement lié au tertiair

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La Seine-Saint-Denis présente une évolution contrastée : autrefois industriel, le département connaît un nouvel essor, essentiellement lié au tertiaire, mais aussi à de grandes entreprises et aux universités. La Sequano, Société d’aménagement départementale, y conduit actuellement 300 hectares d’opérations. De quoi changer le visage d’un département qui doit conjuguer renouveau et mixité sociale.

Rencontre avec Isabelle Vallentin, directrice générale de Séquano Aménagement.

La Seine-Saint-Denis, votre territoire d’élection puisque vous êtes une Société d’aménagement départementale, fourmille de projets. Quelle part y prenez-vous ?

Évidemment, nos interventions sont fortement marquées par les caractéristiques du département auquel nous consacrons l’essentiel de notre activité, même si nous travaillons sur l’ensemble de la petite couronne. La Seine-Saint-Denis est un territoire qui connaît actuellement la dernière phase de sa désindustrialisation. Il faut accompagner ce mouvement en facilitant au plan urbanistique la réhabilitation des friches. Cet espace à regagner est aussi le lieu de la reconversion économique qui passe aujourd’hui essentiellement par un tissu de PME, notamment dans le tertiaire. Nous devons nous inscrire dans ce développement nouveau, l’accompagner, le faciliter. Enfin, nous sommes dans un département qui connaît un fort dynamisme démographique ; autant dire que cela nous donne un rôle particulier à jouer en matière de développement du logement. Au total, nous travaillons en ce moment sur 300 hectares d’opérations.

Dans cette multiplicité de projets, lesquels considérez-vous comme particulièrement emblématiques ?

Comment ne pas parler avant tout des Docks de Saint-Ouen ! Nous sommes l’aménageur de cette opération majeure, qui se veut très mixte, à l’image du département. On y trouvera du tertiaire et du logement, aux côtés d’un vaste parc d’activités. Mais il s’agit d’abord d’une opération de réparation du territoire, encore une fois bien caractéristique de ces zones héritées d’une industrie passée. Ici, l’activité portuaire avait en quelque sorte confisqué les berges de la Seine. Avec les Docks de Saint-Ouen, de vastes espaces verts sur les bords du fleuve rendront aux habitants des lieux de promenade et d’oxygénation autrefois inaccessibles. Deuxième grand secteur à citer, le Canal de l’Ourq, soit 110 hectares, de Romainville à Bondy. Là aussi, il s’agit de reconquérir l’espace. Enfin, troisième exemple significatif de notre savoir-faire, la Zac de la Montjoie, une zone en pleine reconversion.

Vous affirmez vouloir « faire la ville autrement ». En quoi mettez-vous en œuvre ici un savoir-faire spécifique ?

Nous sommes une entreprise de 73 salariés qui est née en 2009 de la fusion de deux sociétés plus anciennes ; de quoi nous doter d’une force réelle en termes d’actifs, d’ingénierie et d’expertise. Surtout, dans un territoire en mutation comme le nôtre, nous devons faire preuve d’une réelle souplesse dans aménagement et être capables d’accompagner la mutation du foncier au fur et à mesure que les terrains se libèrent. Il ne s’agit pas de pousser les entreprises au départ, bien sûr, mais d’aider à leur remplacement progressif lorsqu’elles quittent les lieux. Rien ne doit se faire ex abrupto ; nous évitons les ensembles massifs créés de toutes pièces pour donner plutôt la priorité à des opérations évolutives qui s’adaptent au tissu économique et social du département et qui suivent la progression des transports en commun. Nous sommes sur un territoire jeune, tout en contrastes. On y trouve des zones en déshérence, voire en grande difficulté, mais aussi des sites très actifs comme Roissy et le Bourget, des espaces de développement universitaire, à Villetaneuse, demain à Condorcet, des lieux pris en main par l’art et l’audiovisuel, comme la Cité du Cinéma de Saint-Denis. Au total, il nous faut faire la ville de tous, et la proposer à tous. C’est un défi.

Comment tout cela vous transforme-t-il vous aussi ?

En interne, la volonté de « faire la ville autrement » nous conduit à adapter nos méthodes. Nous travaillons essentiellement en mode projet, selon des procédures très transversales. Sur un territoire multiple, nous développons une culture affirmée du partenariat. D’abord avec les élus, bien sûr, mais aussi avec les hommes « de l’art », urbanistes, architectes, constructeurs, etc. Nous nous voulons exigeants, parce qu’il faut l’être partout, et pragmatiques, parce qu’il ne faut jamais occulter les réalités locales mais au contraire s’y adapter. Vous savez, la marge de manœuvre pour réussir est souvent étroite…

Les collectivités territoriales se plaignent de la baisse attendue des dotations de l’État. Comment cela pourrait-il impacter votre activité ?

Dans notre territoire, où il faut faire beaucoup de « réparation » (dépollution, rénovation des réseaux, etc.) tout en réalisant des logements accessibles, nous avons impérativement besoin de l’argent public. La question de ce qu’il en sera demain du niveau de cette contribution publique se pose donc avec acuité. Risquons-nous des renoncements et, avec eux, des déséquilibres nouveaux sur le territoire ? On n’est pas à l’abri d’erreurs qui pourraient peser très longtemps sur l’évolution sociale du département, comme on l’a déjà vécu avec les conséquences de l’urbanisme des années 60. Nous sommes actuellement dans une phase d’incertitude, même si nous avons en commande un milliard d’opérations à réaliser durant les dix prochaines années.

En 2013, notre chiffre d’affaires a été de 100 millions d’euros. En 2014, il y a eu un ralentissement du fait des élections. Aujourd’hui, le tiers des élus ont changé ; cela implique forcément aussi un ralentissement lié à la prise en main des dossiers. Sur la décennie à venir, l’investissement public prévu représente environ 200 millions ; s’ils venaient à manquer partiellement, évidemment, cela ne serait pas sans conséquences.

Et la Métropole ? Quel rôle pourrez-vous jouer dans le cadre du Grand Paris ?

Le Grand Paris s’est donné pour mission majeure l’accélération de la production de logements. Notre stratégie est de nous inscrire pleinement dans cette dynamique. Nous y prenons d’ailleurs déjà notre part puisque nous devons construire 15 000 logements dans les dix prochaines années. Au-delà, nous espérons surtout que les contours institutionnels de la Métropole se mettront bientôt en place. C’est lorsque les rôles et missions de chacun seront bien clairement déterminés que la coordination pourra s’établir entre les différents acteurs. L’enjeu est toujours le même, c’est l’efficacité. Dans cette perspective, la Métropole peut être un bel outil. Nous nous y préparons, en espérant que l’on ne perdra pas de temps.

Retrouvez l’intégralité du dossier dans Objectif Grand Paris numéro 9
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– Diversité, le maître mot du pôle construction
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