Nanterre ou l’adieu aux années 60

Nanterre ou l’adieu aux années 60

Avec les nouvelles gares de tramway, métro et RER prévues dans les années à venir, des sites jusque-là excentrés multiplient les chantiers de logement

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Avec les nouvelles gares de tramway, métro et RER prévues dans les années à venir, des sites jusque-là excentrés multiplient les chantiers de logements et de bureaux. L’occasion pour l’ensemble de Nanterre d’engager une mutation et d’améliorer la condition de ses quartiers difficiles.

« Nanterre, c’est compliqué… », soupirent volontiers les architectes et urbanistes qui interviennent sur la grande ville de l’Ouest parisien qui s’étend au pied de La Défense. Compliqué… plus qu’ailleurs ? Pas vraiment en réalité. Mais ici comme dans toute autre cité, la ville hérite de son histoire.

Une histoire dont une des étapes majeures, celle des années 50, a laissé de nombreuses traces dans la Nanterre moderne.

C’est à cette époque qu’est née La Défense, ce quartier unique qui devait devenir le premier quartier d’affaires européen, sur le territoire de la ville et dans son voisinage immédiat. Partis de ce site qui nourrissait de trop grandes ambitions pour eux, plusieurs milliers d’habitants ont migré vers d’autres quartiers nanterriens. Dans les décennies qui ont suivi, des milliers d’immigrés ont eux aussi rejoint ce qui devait devenir les plus grandes cités de la première couronne parisienne.

C’est dès l’orée des années 60 qu’a ainsi été construite « la ville aux 70 tours », des tours de logements immenses, pendant moins glorieux des brillantes constructions de La Défense.

Autre effet collatéral de la naissance du quartier d’affaires, un besoin de desserte qui a trouvé son espace « naturel » à Nanterre : pour quitter et pour parvenir jusqu’à La Défense, et pour entrer dans Paris, des infrastructures routières lourdes ont été construites, qui devaient devenir autant de balafres dans le tissu urbain de Nanterre.

Résultat, entre tours, cités et routes, une ville éclatée, faite de quartiers disjoints, hétérogènes, s’ignorant les uns les autres ou incapables de se rencontrer faute de cheminements transversaux…

« Autrefois, on construisait pour les siècles à venir », remarque Julien Sage, maire adjoint chargé de l’aménagement et de l’urbanisme. « Aujourd’hui, il nous faut déjà réfléchir à la façon dont peuvent évoluer les constructions des années 60, 70 et même 80… »

Dans le sillage du Grand Paris Express

De fait, Nanterre réfléchit beaucoup, et surtout agit, à grand renfort de chantiers. C’est un nouveau tournant qui se profile : « Le temps de l’aménagement est long et il est très compliqué et coûteux de faire muter les quartiers, même quand la vie y est difficile, poursuit Julien Sage. Sauf si l’on vient à bénéficier d’un nouveau levier pour l’action. C’est le cas avec le Grand Paris et ses nouveaux moyens de transport, qui constituent à la fois une opportunité et une condition sine qua non pour l’évolution de la cité. »

Dans une ville qui accueillera demain dix stations de tramway, deux de métro à moyen terme, trois à plus long terme et une gare de RER supplémentaire, nombre de quartiers jusqu’ici oubliés des aménageurs changent de dimension.

Exemple emblématique : La Boule. Quoi de plus hétéroclite et de moins hospitalier, jusqu’au début des années 2000, que ce vaste rond-point situé au carrefour de quartiers très différents les uns des autres ? Demain, ici, l’arrivée d’une gare du Grand Paris Express qui promet d’être particulièrement fréquentée changera la vie quotidienne. Le prolongement de la ligne 1 du tramway confortera le mouvement… Depuis le début des années 2000, du coup, la ville s’y prépare et des milliers de logements nouveaux s’élèvent à La Boule.

Miracle de l’édification des logements, rendu possibles par les transports et la valorisation des lieux, des quartiers en grande difficulté peuvent espérer un renouveau jusqu’ici illusoire.

Là aussi, certains sites sont tout à fait emblématiques de cette évolution. Parmi eux, les tours Nuage. En grand besoin de réhabilitation, les dix-huit tours dites Aillaud, du nom de l’architecte qui les a conçues et construites dans les années 70, vont voir se libérer quelque 500 logements dont les familles seront relogées dans le nouveau quartier des Groues, surnommé le « onzième quartier » de Nanterre. « Il s’agit de réintroduire une mixité, dont on sait bien qu’elle est la condition de l’équilibre des quartiers et du mieux-être des personnes, dans des cités parfois constituées de logements sociaux à 95, voire 100 %. Nous ne voulons pas supprimer le logement social mais mieux le répartir », souligne Manuel Moussu, responsable du service Prospective et Stratégie à la mairie de Nanterre. À noter d’ailleurs que, pour que ce système de « vases communicants » d’un site à l’autre soit possible, les nouveaux quartiers accueilleront jusqu’à 40 % de logements sociaux.

Requalifier et rééquilibrer : le défi des années 2020

Là encore, c’est par la grâce des transports, et notamment de Eole, qui reliera le quartier à Saint-Lazare à partir de 2018, que le désenclavement a été possible aux Groues. Logements, commerces, activités suivront. Résultat escompté, une « vraie ville mixte, à vivre et à travailler, vivante et dynamique, et certainement pas un champ de tours supplémentaires », assure Patrick Jarry, maire de Nanterre.

Enfin, autre opportunité désormais accessible, la reconversion d’emprises autrefois industrielles ou ferroviaires. Parmi les derniers grands espaces fonciers disponibles, celui de la Papeterie, une zone anciennement industrielle en bord de Seine.

Rien, à première vue, de bien séduisant : l’espace est très vaste, entre parcs et Seine, mais il est pollué, surplombé par une autoroute, parfois inondable… S’il n’est donc guère question d’y construire des logements, nombre d’activités y sont possibles, du tertiaire à la petite activité industrielle et artisanale en passant par une plateforme logistique. Banal ? Pas ici ! Sur le fond, la mixité fonctionnelle promue est exigeante. La forme ne l’est pas moins : « Il y aura là le premier campus de bureaux en bois d’Europe, des petites entreprises et du commerce aux côtés de près de 20 hectares de parc !, explique Julien Sage. Autant que possible, il ne s’agit pas de faire une zone d’activités à l’ancienne… » Livraison prévue à partir de 2022.

Reste ensuite à reconnecter le tout : longtemps hétéroclite, la ville doit recréer du lien, relier et rééquilibrer les quartiers. Un impératif pour le mieux-être des habitants mais aussi une nécessité au regard du foncier disponible : « On n’a plus aujourd’hui de grand foncier disponible, note Julien Sage, mais plutôt des espaces plus petits, épars, sur les délaissés aux abords des infrastructures routières ou ferroviaires… »

Voire même sur les emprises routières elles-mêmes ! C’est le cas avec les spectaculaires Jardins de l’Arche, suivis par les Terrasses, une longue coulée d’espaces verts et de nouveaux fronts d’immeubles édifiés au-dessus de l’autoroute A14. Ici, le paysage urbain a radicalement changé en lieu et place de terrains autrefois abandonnés. Dans le même temps, c’est un nouveau cheminement qui s’est ouvert entre Nanterre et la Grande Arche, entre Nanterre et La Défense. La ville aussi bien que le quartier d’affaires ont a priori tout à y gagner : les années à venir diront si le lien se fait vraiment entre des mondes encore bien dissemblables.

Ci-dessus, La Boule. Crédit : Nanterre.