Métropoles en mutation

Métropoles en mutation

Le MIPIM en est un témoin privilégié : les capitales, toutes les capitales, sont en pleine mutation. Partout, c’est un nouvel âge d’or des métropoles

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Le MIPIM en est un témoin privilégié : les capitales, toutes les capitales, sont en pleine mutation. Partout, c’est un nouvel âge d’or des métropoles que l’on bâtit, à grand renfort de projets urbains qui s’étendent sur des centaines d’hectares.

Leurs missions ? En interne, il s’agit de créer des villes respectueuses de la mixité sociale et fonctionnelle, de la transition énergétique et du développement durable, nouveaux dogmes de notre temps, mais aussi de fournir logement, travail et loisirs à des populations en croissance. En externe, au regard du monde entier, il s’agit de témoigner de l’intelligence de la ville, de son agilité, de sa capacité à créer de la richesse et de la croissance pour mieux attirer les capitaux et les talents.

Les exemples abondent. C’est Londres, qui change d’époque, et réhabilite des centaines d’hectares sur son versant Est, entre ville et estuaire, tout au long de la Tamise. Des réalisations spectaculaires sur lesquelles la capitale britannique s’appuie pour valoriser son dossier Jeux olympiques 2012. C’est Milan qui affirme son statut de capitale économique en convertissant les communes ouvrières de sa banlieue nord aux nouvelles technologies. C’est Amsterdam qui reconquiert son littoral portuaire en offrant logements, bureaux et équipements le long de l’eau. Et c’est enfin le Grand Paris qui affiche sa révolution des transports, l’audace architecturale de ses futures gares, l’ampleur et l’intelligence de ses nouveaux quartiers.

De grands projets urbains souvent longs et difficiles à mener à bien. Financer les infrastructures, trouver la juste répartition entre public et privé, faire les bons choix architecturaux, économiques, sociaux, tenir les délais, désamorcer les contentieux, juguler la dérive des budgets… Rien n’est aussi lisse et brillant, en réalité, que les maquettes d’architectes ou de promoteurs voudraient le laisser entendre !

Chaque pays, en fonction de son histoire, de son organisation politique et territoriale, apporte ses réponses. Quelles sont donc les caractéristiques de ces « grands projets urbains » ? Pourquoi les lance-t-on, qu’en attend-on ? Et comment les acteurs du changement urbain, entre État, collectivités territoriales et acteurs privés, peuvent-ils s’y prendre pour être aussi efficaces que possible ?  

Autopsie des mutations des métropoles du XXIe siècle, en cinq questions.

Les métropoles ont-elles toujours muté ou bien le mouvement s’est-il accéléré durant ces dernières décennies ?

Oui et non. Oui, elles ont toujours muté pour s’adapter aux besoins, tout simplement. L’histoire des grandes villes n’est qu’une succession d’adaptations aux circonstances… Que l’on se souvienne, à Paris, du baron Haussmann et l’on comprendra que le changement urbain n’est pas l’apanage du XXIe siècle !

Pourtant, non, les métropoles n’ont pas toujours muté au même rythme. Aujourd’hui, toutes rivales dans la mondialisation, elles affichent des projets plus ambitieux les uns que les autres. Et le Grand Paris, longtemps à la traîne « du fait de son organisation politique, marquée par le morcellement institutionnel et les rivalités entre communes », selon Paul Lecroart, urbaniste à l’IAURIF, a pris son essor. Il était temps : partout, les projets de développement urbain, souvent spectaculaires, s’affichent dans les rencontres internationales. « Les villes ont aujourd’hui, comme leurs élus, besoin de visibilité. Leurs projets ont pour mission de témoigner de leur dynamisme, de leur intelligence, de leur agilité… », poursuit Paul Lecroart.

Cette visibilité doit, si possible, s’étendre au-delà des frontières : pas d’investissement, pas de commercialisation, pas d’entreprises ni de touristes sans mise en lumière à l’international des attraits de la ville.

De quoi le « grand projet urbain » est-il le nom, au juste ?

Renouvellement de grands territoires dégradés, intensification de lieux stratégiques, inclusion de la ville aux côtés des centres de recherche ou bien au beau milieu des quartiers tertiaires, renouvellement urbain… Les grands projets prennent des formes diverses. Avant tout, il s’agit d’être grand – des centaines d’hectares ! – et d’être vu : le projet, à grand renfort de signatures architecturales, devient ainsi un outil majeur du marketing urbain. C’est le principe, dès les années 90, du « flagship project », le projet-phare, outil de rayonnement dans un monde où la communication est planétaire.

Saint-Denis a su illustrer ce principe avec le Stade de France : c’est bien parce que la ville s’était dotée de cette réalisation architecturale majeure, témoin d’une volonté politique audacieuse et porteuse d’une grande force symbolique, qu’elle a accueilli en 1998 une Coupe du Monde qui devait à son tour attirer tous les regards sur Saint-Denis, promue à cette occasion, excusez du peu, capitale mondiale du foot ! Bien au-delà de la seule métamorphose d’un quartier, l’équipement a ensuite donné le signal d’un nouvel essor, au plan culturel et sportif certes, mais aussi économique et social pour toute une zone urbaine.

S’ils se veulent tous « phares » d’une façon ou d’une autre, les projets urbains ont chacun leur spécificité. À Londres, la réhabilitation d’un vaste corridor urbain jusqu’à l’estuaire de la Tamise a permis de régénérer un espace en grande difficulté économique. À Barcelone, la transformation du front de mer a fait d’un site délaissé un nouveau quartier d’affaires et de loisirs. Avec Porto Antico, la ville de Gênes a tenté de reconquérir son port historique pour le rendre aux habitants de la ville et aux touristes. Dans le nord de Milan, c’est tout un ensemble de communes industrielles qu’il s’est agi de convertir. Le renouvellement urbain refait « la ville sur la ville », pour adapter des quartiers vieillis aux usages nouveaux.

Pourquoi des métropoles très différentes misent-elles toutes sur les grands projets urbains pour conduire leur changement ?

L’histoire les y conduit ! Parmi les facteurs décisifs qui ont favorisé l’émergence des grands projets dans les métropoles européennes, paradoxalement, il faut compter la crise économique qui a libéré de vastes espaces. Ce sont ces friches industrielles qui permettent à la ville de se reconstruire… C’est vrai dans tout l’Est londonien, du cœur de la Capitale à l’estuaire de la Tamise, dans le nord de Milan aussi bien que dans les villes portuaires comme Hambourg en Allemagne ou Bilbao en Catalogne espagnole. L’enjeu est bien désormais de densifier en mettant l’accent sur l’habitat.

La mondialisation a elle aussi accru la concurrence et fait apparaître de nouveaux acteurs sur l’échiquier des villes : aux côtés des métropoles occidentales, des cités asiatiques et africaines changent à grande vitesse, même lorsqu’elles appartiennent à des États moins riches que ceux de la vieille Europe. Ainsi des villes comme Medellin et Bogota sont-elles désormais souvent citées pour la qualité et l’intelligence d’aménagements qu’elles ont su mettre au service du développement social. Plus aucune ville ne peut se permettre de rester à l’écart, sous peine de voir la courbe de sa croissance chuter inexorablement…

Le réchauffement climatique est également passé par là. De plus en plus, il contraint les villes à répondre aux exigences de la transition énergétique et du développement durable : les écoquartiers prennent ainsi une place croissante et la Chine, qui fait tout en plus grand que les autres, est même allée jusqu’à créer de toutes pièces une ville modèle en matière d’écologie : Dongtan, la « cité verte » recyclant eau et énergie, devrait accueillir 400 000 habitants en 2040 !

Reste enfin les besoins endogènes : les villes tentent de se doter de quartiers bien desservis en transports en commun, riches au plan culturel, agréables à vivre car il leur faut lutter contre des disparités économiques et sociales souvent intenses. Si elles l’oubliaient, des émeutes urbaines pourraient leur rappeler que la cité a une responsabilité sociale…

Retrouvez l’intégralité de l’article dans le dernier numéro d’Objectif nouveau Grand Paris.