Les activités éphémères gagnent du terrain

Les activités éphémères gagnent du terrain

Les friches industrielles situées le long du canal de l’Ourcq se dévoilent aux habitants : agriculture urbaine, réutilisation de matériaux de chantier

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Les friches industrielles situées le long du canal de l’Ourcq se dévoilent aux habitants : agriculture urbaine, réutilisation de matériaux de chantier, design au bord de l’eau font partie des activités proposées. En attendant la mise en chantier de ces terrains, Est Ensemble a proposé à des associations d’investir les lieux pour permettre aux riverains de s’approprier dès à présent ces espaces restés longtemps inaccessibles.

Si les opérations d’aménagement varient à bien des égards (situation, programmation, délais, montants d’investissements, etc.), elles possèdent toutes un point commun : leur lenteur ! De nombreuses années s’écoulent entre la pose de la première pierre et l’achèvement du projet. Durant ce laps de temps, les terrains (nus ou occupés par des ruines) sont soustraits à la vue des riverains par des palissades plus ou moins colorées selon les communes. « Cachez cette friche que je ne saurais voir ! », semblent dire les collectivités…

Aujourd’hui, la tendance s’inverse dans certains territoires. Non seulement ces espaces en cours de transformation sont de plus en plus visibles, mais ils sont utilisés avant même leur premier coup de pioche pour des « activités éphémères ». Ainsi, des ateliers, des lieux de rencontres ou de jeux sont destinés à les faire vivre avant qu’ils n’accueillent leur aménagement final. « L’occupation de terrains par des activités éphémères est un bon moyen d’ouvrir ces espaces en friche aux habitants », estimait Jean-François Carenco, préfet de la région Île-de-France, à l’occasion de la signature de la convention du Programme d’investissement d’avenir (PIA) « Ville de demain » sur le territoire de la Plaine de l’Ourcq.

Ces activités éphémères sont menées par diverses associations ayant répondu à un appel à projets lancé par Est Ensemble, qui souhaite faire du canal un lieu de loisirs et d’apprentissage sur ses onze kilomètres.

933 000 euros de subventions

Le concept a eu d’autant plus de succès que L’été du canal, une manifestation culturelle et sportive qui a accueilli des milliers de visiteurs en 2016, a contribué à faire connaître ces sites. De plus, pour encourager ce phénomène, certaines de ces associations ont reçu, en juin 2016, des subventions issues du PIA « Ville de demain » pour les aider dans leur développement. Près de 933 000 euros ont par ailleurs été alloués à l’ensemble du projet de la Plaine de l’Ourcq, notamment récompensé pour « l’aménagement d’espaces publics innovants incluant des occupations éphémères pour gérer le temps du projet ».

Si la mayonnaise semble prendre, Est Ensemble estime être novice en la matière : « Bien que nous apprenions cet ingénierie de l’éphémère sur le tas, nous sommes convaincus que cette initiative ‘’gagnant-gagnant’’ apporte de la visibilité aux projets futurs et met davantage en lumière le réseau associatif du territoire », conclut-on à Est-Ensemble.

Micro-pousses à l’honneur sur les terres du Paysan Urbain

Pois verts, radis pourpres, graines de moutarde ou tournesols… Tous sont cultivés en Seine-Saint-Denis, à Romainville. Mais attention, aucun de ces végétaux ne sort de terre. Ce sont leurs micro-pousses qui sont cultivées dans des bacs, autrement dit la première phase de croissance de ces aliments. À ce stade, ils sont tout à fait comestibles (et parfaits à intégrer dans les salades). « Les micro-pousses sont peu courantes en France. On les retrouve essentiellement sur les marchés de gros. À Rungis, elles proviennent surtout des Pays-Bas. On s’est dit qu’il y avait un créneau local à développer », explique Benoît Liotard, fondateur de l’entreprise Paysan Urbain.

Et c’est sur une parcelle située sur la ZAC de l’Horloge à Romainville, qui accueillera à terme des bureaux et un hôtel, que l’aventure a commencé. Depuis juillet 2015, ce sont deux serres, un jardin potager reposant dans des bacs (les sols n’ayant pas encore été dépollués) et un poulailler qui occupent l’espace.

Si les produits sont vendus sur les marchés, dans les épiceries bio et à des restaurateurs, les lieux servent aussi à la sensibilisation des plus jeunes. Les liens avec l’extérieur ne s’arrêtent pas là : « La récolte des micro-pousses se fait à la main. Nous comptons embaucher des personnes en difficulté d’insertion », poursuit Benoît Liotard. Romainville, qui a depuis plusieurs années le projet d’ériger une tour maraîchère sur son territoire, a peut-être trouvé son premier locataire…

D’Days encourage le sport le long du canal

Bien que tournant le dos à la ville, le canal de l’Ourcq est depuis de nombreuses années réinvesti par des sportifs en tout genre : cyclistes, joggeurs et marcheurs arpentent les berges à toute heure de la journée. Mais pour D’Days, un collectif de designers, un soupçon d’innovation pouvait apporter une bonne dose de valeur ajoutée à ce parcours vierge de tout aménagement. C’est ainsi qu’est né le projet « Le Corps du canal », un parcours sportif créé en collaboration avec les habitants et directement inspiré par la pratique des promeneurs. « Le design est un moyen de donner une qualité supérieure à notre quotidien. Ici, sur la ZAC Écocité de Bobigny, nous voulions l’utiliser pour améliorer la vie des habitants », explique Scott Longfellow, designer et directeur de D’Days.

De l’observation des habitudes des riverains le long du canal a ainsi découlé la conception d’« infrastructures sportives auto-utilisables ». En d’autres termes, une dizaine de modules pour travailler sa force, sa souplesse, son endurance ou encore son équilibre, implantés à hauteur de la passerelle Pierre-Simon Girard. Grâce à un mode d’emploi fixé sur les structures, le public, qui a aussi participé à leur élaboration, peut pratiquer les exercices à sa guise, gratuitement et en tout temps. Un travail d’équipe que ne manque pas de souligner Scott Longfellow : « Les scénarios d’usages et les maquettes ont été établis en fonction des envies et des besoins des habitants. De longs échanges ont également eu lieu avec les services techniques de la ville, notamment sur le poids des modules et sur les matériaux utilisés pour éviter que les gens se blessent. »

Le Corps du canal espère ainsi ouvrir les berges de l’Ourcq à un public plus large, moins athlétique mais qui porte la même ambition que les sportifs : se faire plaisir au bord de l’eau.

Bellastock : rien ne se perd, tout se transforme…

Que faire des tonnes de matériaux de déconstruction générés par les chantiers d’aménagement ? À l’heure du do it yourself, l’association d’architecture expérimentale Bellastock a sa petite idée. Installée sur la friche Miko à Bobigny, face au canal, la structure s’est donné pour mission de récupérer un maximum de matériaux issus des démolitions pour les réutiliser dans les futures opérations d’aménagement. « L’idée est de montrer que ces matériaux ont encore du potentiel. En identifiant les besoins des habitants, nous pouvons développer des prototypes d’infrastructures adéquats », avance Paul Chantereau, architecte et responsable stratégie urbaine à Bellastock.

Qu’il s’agisse d’une cuisine mobile réalisée à partir de tôle d’ancien transformateur électrique ou de bancs fabriqués grâce à des planches de bois reposant sur des morceaux de gravats, toutes les fantaisies sont permises… pourvu qu’elles soient utiles ! Ces matériaux proviennent en général des entreprises du territoire. À Bobigny, des artisans du BTP – qui paient pour mettre leurs rebuts en déchetterie – ont mis des bennes à disposition de l’association. D’autres sociétés implantées le long de la RN3 (magasins de bricolage et d’ameublement, entrepôts industriels, etc.) font également partie des donateurs.

Si Bellastock éprouve le besoin de concevoir pour le bonheur des autres, elle veut aussi donner au public les clés pour bricoler ses objets. Pour cela, elle a invité sur ses terres éphémères l’association La Requincaillerie. Durant l’été 2016, cette dernière a fait la promotion de l’auto-fabrication et du réemploi de matériaux auprès des riverains. De quoi former une nouvelle génération de makers made in Est Ensemble.

 

Ci-dessus, l’exploitation du Paysan urbain. Crédit : Sequano Aménagement-11h45-William Gaye.